Sagesse rosicrucienne dans la poésie des contes

Rudolf Steiner

Extrait d'un conférence (1, Nde)

Qu'est-ce que l'esprit théosophique (1) à proprement parler?

C'est un esprit, sans lequel, dans le monde et d'une façon générale, jamais les vraies réalités de la culture n'auraient pu avoir lieu. Et si nous pensons à ce qu'il existe de plus grand: c'est l'esprit, sans lequel il n'y aurait jamais eu un Homère, un Pindare, un Raphaël, un Michelange; sans lequel il n'y aurait jamais eu aucun approfondissement religieux de l'être humain, ni aucune vie de l'esprit ou de culture extérieure. Car tout ce que l'homme veut créer, il doit le faire en puisant à cet esprit. Et s'il croit pouvoir créer sans lui, c'est qu'il ne sait pas, que tout effort spirituel tombe en décadence pour un certain temps et que ce qui provient dans une mesure encore plus mince de l'esprit est d'autant plus voué à la mort que ce qui est vraiment créé à partir de l'esprit. Ce qui a une valeur éternelle, cela provient de l'esprit, et aucune création ne perdure, si elle ne provient pas de l'esprit. Mais la plus petite création, même lorsqu'elle se produit dans la vie de tous les jours, a une valeur éternelle et nous relie à une dimension spirituelle, car tout ce que fait l'être humain se trouve sous la direction de la vie spirituelle. Dans notre vie théosophique (1) , de la manière dont nous la cultivons, nous savons qu'à la base de cette vie se trouve un courant spirituel que nous appelons le courant rosicrucien (2) , et nous avons souvent insisté sur le fait que les Maîtres de la sagesse rosicrucienne ont préparé depuis le 11ème , 12ème et 13ème siècle ce qui a commencé à se produire depuis la fin du 19ème et ce qui arrivera au 20ème siècle (...) Ceux qui ont fait affluer dans les âmes ce courant spirituel, d'abord d'une manière imperceptible pour l'être humain lui-même, ont préparé cela depuis fort longtemps. Dans un sens plus spécifique, cet esprit existe sous une forme plus consciente dans notre mouvement théosophique, ce qui a imprégné la science et l'esprit de l'Europe, ce qui a été déversé dans les coeurs depuis le 11ème , 12ème et 13ème siècle, au moyen de ce que nous appelons le cheminement d'initiation Rosicrucienne depuis le 12ème , 13ème et 14ème siècle.

Peut-on véritablement se faire une idée de la manière dont cet esprit a agi, à partir des événements qui se sont déroulés dans notre culture? J'ai dit que depuis le 11ème , 12ème , 13ème et 14ème siècle, c'est l'esprit rosicrucien qui a agi de manière plus caractéristique; mais cet esprit existait depuis toujours et n'a pris cette ultime forme rosicrucienne que dans cette période de temps envisagée. Cet esprit, qui agit à présent comme esprit rosicrucien, remonte aux temps les plus reculés de l'humanité. Il avait déjà eu ses propres Mystères dans les anciennes époques atlantéennes. Et l'activité qu'il déploie, dans les temps plus modernes, afflue à présent en devenant de plus en plus consciente, mais elle affluait alors inconsciemment dans les coeurs et les âmes humaines lors d'époques plus anciennes, mais qui, à la vérité, sont des époques qi ne sont pas si éloignées dans le temps de la nôtre.

Tentons de nous faire une idée, donc, de la manière dont cet esprit affluait de manière inconsciente dans les âmes. Vous êtes tous assis ici ensemble. Nous cultivons entre nous ce que manifeste cet esprit: d'une manière ou d'une autre, les âmes humaines évoluent pour accéder et s'élever peu à peu dans les régions où elles peuvent comprendre la vie spirituelle, où peut-être même elles peuvent aussi contempler la vie spirituelle. Beaucoup d'entre vous se sont efforcés depuis des années à laisser pénétrer dans leur âme les concepts et idées qui, pour nous, reflètent la vie spirituelle, pour en retirer leur nourriture spirituelle. Ils connaissent l'art et la manière dont nous faisons comprendre les énigmes du monde. J'ai souvent décrit, pour ma part, la façon dont se passent les divers degrés du développement de l'âme, la manière dont l'âme vit en s'élevant dans les mondes supérieurs. On a dit comment l'être humain doit distinguer une partie supérieure de son je d'une autre inférieure; on a décrit comment l'être humain a traversé d'autres états d'évolution planétaire, comment il traversa les évolutions de l'Ancien Saturne, de l'Ancien Soleil et de l'Ancienne Lune, lors desquelles il forma ses corps physique, éthérique et astral, et la manière dont il a commencé ensuite son évolution terrestre. On a dit que quelque chose réside en nous qui doit trouver sur cette Terre une sorte « d'école », afin de s'élever à quelque chose de supérieur. On a dit aussi, que certaines entités, qui ont été retardées en tant qu'entités lucifériennes lors de l'évolution de l'Ancienne Lune, se sont ensuite insinuées dans le corps astral humain, pour donner par ce moyen à l'être humain ce qu'elles pouvaient lui donner. Ensuite, nous avons souvent évoqué la façon dont l'être humain doit surmonter dans son je inférieur une chose ou une autre, vaincre une chose ou une autre, pour s'élever dans les sphères, auxquelles appartient son Je supérieur (3) , la manière dont il doit réaliser ces paroles de Goethe pour s'élever dans ces régions supérieures:

Tant que tu ne le tiens

Ce « meurs et deviens »,

Tu n'es qu'un visiteur sombre

Sur cette Terre d'ombre.

Nous avons dit en outre, que l'évolution humaine, qui est aujourd'hui possible, et qui peut nous donner énergie et assurance ainsi qu'un réel contenu de vie, est à atteindre par le fait de nous approprier, par exemple, la connaissance de la polyarticulation de la nature humaine, d'apprendre à comprendre que cet être humain n'est pas assemblé de manière chaotique, mais consiste en corps physique, corps éthérique, corps astral et Je. Nous n'avons pas voulu dire cela au moyen simplement de mots, mais par la caractérisation précise des divers tempéraments, par l'observation de l'éducation humaine, ainsi que par la manière dont elle se déroule en tant qu'évolution du corps physique, jusqu'à la septième année, du corps éthérique jusqu'à la quatorzième année, du corps astral jusqu'à la vingt-et-unième année, et ainsi avons-nous amené toutes ces informations jusqu'au niveau de représentations bien déterminées. Et à partir des considérations sur la mission de la vérité, de la dévotion, de la colère, et ainsi de suite, nous avons reconnu comment toutes ces idées, que nous avons appris à connaître comme corps physique, corps éthérique et corps astral, âme de sensibilité, âme d'entendement et âme de conscience, ne peuvent rester de simples abstractions conceptuelles, et comment on peut faire vivre de telles intuitions ainsi que la manière dont elles constituent notre ambiance en toute clarté et avec tout leur riche contenu.

Ainsi nous sommes nous fait comprendre sur les mystères du monde. Nous pouvons nous mettre d'accord aujourd'hui là-dessus. Et s'il existe encore à l'extérieur beaucoup de gens qui persistent, plus ou moins consciemment, dans le matérialisme, il y a cependant un certain nombre d'âmes qui ressentent comme une nécessité de la vie d'écouter de telles descriptions telles qu'elles peuvent être données ici. Beaucoup d'entre-vous n'auraient pas assisté, ni participé, à ce à quoi nous nous adonnons ici, si cela n'avait pas été pour eux une nécessité pour leur vie. Pourquoi existent-ils aujourd'hui des âmes qui comprennent cela, qui peuvent suivre le cheminement de la vie humaine dans les concepts et conceptions que nous développons ici? C'est pour la raison suivante: comment en sont-elles aujourd'hui venues à naître dans un monde habitées par de telles nostalgies, comme j'ai tenté de le dépeindre juste avant? En bien!, nos ancêtres en Europe, c'est-à-dire un grand nombre des âmes ici présentes aujourd'hui, lors des siècles écoulés, sont entrées par leur naissance dans un autre environnement, un autre monde que celui du 19ème siècle. Regardons en arrière vers le 6ème , 7ème siècle, ou bien le 12ème ou le 13ème , lors desquels beaucoup des âmes qui sont présentes ici étaient alors incarnées, et examinons quelles expériences traversaient alors de telles âmes.

Dans ces temps, il n'existait sans doute pas de Société Théosophique (4), où l'on pouvait parler sur tout ce sur quoi nous parlons aujourd'hui; mais à cette époque, les âmes apprenaient tout autre chose de leur entourage. Tentons de nous représenter ce que ces âmes apprenaient — ce qu'elles apprenaient de ceux qui ne parcouraient pas le monde, comme aujourd'hui, pour donner des conférences, mais qui récitaient en public, tels les rhapsodes (5) , ou qui cheminaient d'une autre manière, de village en village et de ville en ville, pour révéler l'esprit. Quel genre de langage pratiquaient ces gens? Nous allons pour une fois nous laisser approcher par un cas de ce genre. En ces temps, on ne disait pas encore: il existe une Théosophie, une doctrine du je inférieur et du Je supérieur; l'homme a un corps physique, un corps éthérique, un corps astral et ainsi de suite; mais c'étaient les rhapsodes qui déambulaient, c'est-à-dire ce genre d'hommes qui étaient appelés à colporter et annoncer l'esprit, et qui racontaient quelque chose comme ce qui suit — et je vais répéter quelques éléments des contes qui étaient ainsi colportés particulièrement dans l'Europe du Centre et de l'Est.

Il était une fois un fils de roi. Il était parti à cheval et en vint à s'approcher d'un profond fossé; c'est alors qu'il entendit des gémissements qui remontaient du fossé. Il suivit donc le cours du fossé pour voir d'où provenaient ces gémissements et découvrit ainsi une vieille femme. Il descendit de cheval, puis pénétra dans le fossé et aida la femme à se relever, car elle y était tombée. Quand il vit qu'elle ne pouvait plus marcher, car elle avait une blessure à la jambe, il lui demanda comment elle avait eu cet accident. C'est alors que la femme raconta: je suis une vieille femme et je dois, sitôt minuit sonné, m'en aller à la ville pour vendre des oeufs; c'est alors que je suis tombée dans le fossé. Le fils lui roi lui dit alors: vois, tu ne peux plus retourner chez toi, je vais donc t'asseoir sur mon cheval et te ramener chez toi. Ainsi fit-il. La femme lui dit alors: quoique tu sois de haute naissance, tu es un homme gentil et bon, et tu dois recevoir une récompense de ma part, car tu m'as aidée. Il pressentit alors qu'elle était bien plus qu'une vieille femme, car elle dit: parce que tu as fait preuve d'une telle bonté à mon égard, tu dois recevoir la récompense, qui revient de droit à ta bonne âme. Veux-tu épouser la fille de la reine des Fleurs? — Oui! répondit-il. Et elle continua: pour ça, tu n'as besoin que de ce que je peux très facilement te donner. Et elle lui donna une clochette, en lui disant: quand tu la feras tinter une fois, le roi des Aigles viendra avec sa bande et t'aidera dans quelque situation où tu te trouveras; quand tu la feras tinter deux fois, le roi des Renards viendra avec sa bande et il t'aidera dans quelque situation tu auras bien pu te retrouver; et quand tu la feras tinter trois fois, c'est le roi des Poissons qui viendra avec toute sa troupe et qui t'aidera dans la situation où tu te trouveras. — Le fils de roi prit la clochette et s'en retourna chez lui. Il y déclara qu'il partait à la recherche de la fille de la reine des Fleurs et il s'éloigna aussitôt à cheval. Il chevaucha longtemps, longtemps, et personne ne pouvait lui dire où habitait la reine des Fleurs avec sa fille. Son cheval étant bientôt devenu inutilisable, car il s'écroulait de fatigue, il dut continuer à pied. C'est alors qu'il rencontra un vieillard, à qui il demanda où pouvait bien être la demeure de la reine des Fleurs. Je ne peux pas te le dire, lui répondis celui-ci, mais il suffit que tu continues plus loin, toujours plus loin, et tu rencontreras mon père, qui pourras peut-être te le dire. Le fils de roi continua donc sa route et marcha encore pendant beaucoup, beaucoup d'années, et il finit par rencontrer un vieillard très vieux. Il lui demanda: peux-tu me dire où se trouve la demeure de la reine des Fleurs? Mais celui-ci lui répondit: je ne peux pas te le dire. Mais va plus loin, poursuis ta route toujours plus loin, pendant de longues années encore; et alors tu rencontreras mon père et lui, il pourra te dire, pour sûr, où est la demeure de la reine des fleurs. Le fils de roi continua donc sa route et finit par trouver un vieillard très, très vieux, au point qu'il semblait remonter aux origines du monde, à qui il demanda s'il pouvait lui indiquer où habitaient la reine des Fleurs et sa fille. Le vieillard immensément vieux lui dit alors: la reine des Fleurs habite au loin dans la montagne que tu peux apercevoir d'ici. Mais elle est gardée par un dragon sauvage. Tu ne pourras pas approcher, car le dragon ne dort jamais en ce moment: il n'a qu'un certain temps où il dort, et maintenant, c'est justement son temps de veille. Mais tu dois faire encore un bout de chemin, vers l'autre montagne; c'est là que vit la mère dragon, par laquelle tu atteindras ton but.

Résolu, il continua donc; il atteignit la première montagne, puis la seconde et y trouva la mère dragon, l'archétype même de la laideur. Mais lui savait bien qu'il ne dépendait que d'elle qu'il pût trouver ou non la fille de la reine des Fleurs. C'est alors qu'il vit sept autres dragons autour d'elle, qui étaient tous avides de surveiller la reine des Fleurs et sa fille, qui étaient emprisonnées depuis longtemps et devaient être délivrées par le fils de roi. C'est alors que celui-ci dit à la mère dragon: oh!, je reconnais que je dois devenir ton serviteur, si je veux découvrir la reine des Fleurs! — En effet, dit-elle, tu dois devenir mon serviteur, mais tu dois aussi me rendre un service qui n'est pas si facile. Voici une jument, que tu dois conduire au pré, le premier jour, le second jour et le troisième jour. Si tu la ramènes en bonne santé à la maison, peut-être pourras-tu, dans trois jours, atteindre ce que tu veux. Mais si tu ne me la ramènes pas en bonne santé, mes dragons te dévoreront — nous te dévorerons tout cru! —

Le fils de roi se déclara d'accord et le jour suivant, on lui confia la jument. Il voulut la mener au près, mais elle disparut bientôt. Il la chercha, mais il ne put la trouver et en fut bien malheureux. C'est alors qu'il se souvint de la clochette que la vielle femme lui avait donnée. Il la sortit de sa poche et la fit tinter une fois. Aussitôt s'assemblèrent beaucoup d'aigles menés par le roi des Aigles, qui se mirent à la recherche de la jument et il put ainsi la ramener à la mère dragon. Elle lui dit: parce que tu as ramené ce cheval, je te donnes un manteau de cuivre, afin que tu puisses prendre part au bal qui aura lieu cette nuit dans le cercle de la reine des fleurs et de sa fille. — Le second jour, il devait de nouveau mener la jument au pré. On la lui confia de nouveau, mais bientôt elle disparut de nouveau, et il ne put la retrouver nulle part. Il tira sa clochette de sa poche et la fit tinter deux fois. Aussitôt le roi des Renards apparut, suivit d'un nombreux ban de ses congénères, qui se mirent à la recherche de la jument et le fils de roi put de nouveau la ramener à la mère dragon. Celle-ci lui dit: aujourd'hui, tu recevras un manteau d'argent, afin que tu puisses de nouveau te rendre au bal qui a lieu cette nuit dans le cercle de la reine des fleurs et de sa fille. — Au bal, la reine des fleurs lui dit: exige au troisième jour un poulain de cette jument! Avec ce poulain tu pourras me délivrer et nous serons réunis. — Le troisième jour, on lui remit de nouveau la jument pour qu'il la mène au près. Celle-ci disparut bientôt, car elle était très sauvage. Il sortit donc la clochette de sa poche et la fit tinter trois fois et aussitôt le roi des Poissons vint avec toute sa bande qui se mit à la recherche de la jument, si bien qu'il la ramena encore, pour la troisième fois, à la maison. Il avait accompli sa tâche avec bonheur. La mère dragon lui donna alors un manteau d'or en récompense, sa troisième enveloppe, si bien qu'il put se rendre au bal de la reine des Fleurs au soir du troisième jour. Et il put en outre recevoir le poulain de cette jument qu'il avait gardée, comme un cadeau qui lui revenait de droit. Avec lui, il put ensuite ramener la reine des fleurs et sa fille à leur château. Et autour du château, puisque tous les autres voulaient aussi enlever la fille de la reine des fleur, il fit croître une muraille de buissons épineux, si bien que le château ne put être pris d'assaut. Et la reine des fleurs dit au fils de roi: tu as mérité ma fille; tu dois l'avoir désormais, seulement sous une condition cependant: tu ne dois l'avoir que la moitié de l'année; durant l'autre moitié de l'année, elle doit retourner sous la surface de la Terre, afin qu'elle puisse être avec moi, car c'est seulement ainsi que tu pourras être uni à elle. — Ainsi reçut-il donc la fille de la reine des Fleurs et vécut-il avec elle durant une moitié de l'année, tandis que l'autre moitié elle vivait avec sa mère.

On fit entrer autrefois dans de très, très nombreuses âmes des histoires comme celle-là ou d'autres. Les âmes écoutaient et les absorbaient — mais elles ne les prenaient pas à la manière allégorique de ces théosophes singuliers de l'époque moderne, car pour de telles choses ne convient pas l'interprétation symbolique ou allégorique. Non, les êtres humains les adoptaient parce qu'ils y prenaient du plaisir et en retiraient de l'agrément, parce qu'ils sentaient se répandre dans leur âme toute la vie chaleureuse de tels récits. Et ils ne désiraient rien de plus, quand tout cela passait dans leur âme, quand on leur racontait l'histoire du fils de roi, de ses faits et gestes avec la clochette et sa conquête de la fille de la reine des Fleurs. Et beaucoup d'âmes vivent aujourd'hui, qui en ces époques ont entendu cela et l'ont absorbé avec plaisir et joie. Et quand quelque chose comme cela est absorbé pour le ravissement et l'assouvissement de l'âme, cela continue de vivre dans l'âme. Tandis que de telles âmes adoptent de telles formes idéelles, en sensations et émotions, elles deviennent ensuite différentes de ce qu'elles étaient avant. Cela porte des fruits, cela donne des forces aux âmes et ses forces se métamorphosent, deviennent quelque chose d'autre. Que sont-elles donc devenues, ces forces? Elles sont devenues ce qui maintenant vit dans les âmes sous forme d'aspiration ardente à une plus haute exposition des mêmes Mystères, d'aspiration ardente à la science de l'esprit. Autrefois, les rhapsodes n'ont pas simplement récité: il existe un être humain, qui aspire à son Je supérieur et doit, pour cela, surmonter ce qui veut le rabaisser à son je inférieur. Mais ils ont raconté: il y avait un fils de roi; celui-ci sortit se promener à cheval et trouva un fossé, duquel provenaient des gémissements, et fit ce qui était un acte de bonté. Aujourd'hui, nous disons: l'être humain doit faire quelque chose, qui est un acte de bonté, un acte d'amour, un acte de sacrifice. Autrefois, on racontait un tel acte en images. Aujourd'hui, nous disons: l'être humain doit accueillir en lui cette atmosphère de l'esprit, par laquelle il entretient un pressentiment du monde spirituel, une relation avec lui, avec laquelle et par laquelle il devient capable, de développer ses énergies pour pouvoir établir un rapport avec le monde spirituel. Autrefois on disait cela en images: la vieille femme donna une clochette au fils de roi, qu'il devait faire tinter. Aujourd'hui, on dit: l'être humain a absorbé en lui les autres règnes de la nature; ce qui est étalé là au dehors, l'être humain l'a réuni de manière harmonieuse en lui. Mais il doit comprendre, comment cela vit en lui, ce qui est étalé là dehors, et il ne peut surmonter sa nature inférieure qu'en se plaçant dans une juste relation avec ce qui agit dans les règnes de la nature, afin que cela puisse lui venir en aide.

Nous avons souvent parlé de l'évolution de l'être humain au travers des états planétaires des anciens Saturne, Soleil et Lune et de ce qu'il a abandonné aux autres règnes, tout en retirant ce qu'il y a de meilleur pour lui, afin de pouvoir s'élever. À quel fin a-t-il développé cela? Pour ce pourquoi Platon avait déjà employé une image pour désigner ce qui vit dans l'âme de l'être humain: l'image du cheval, sur lequel il chevauche d'incarnation en incarnation. Autrefois, on proposait l'image de la clochette que l'on faisait tinter pour faire venir les règnes de la nature et leurs représentants, le roi des Aigles, le roi des Renards et le roi des Poissons, pour mettre dans une relation juste ce que le souverain des trois règnes naturels doit devenir.

L'âme de l'être humain est sauvage, et ce n'est que par le fait que l'amour et la sagesse la saisissent et la polissent que l'homme en arrive à cette juste relation. Cela autrefois était proposée d'une manière imagée et vivante à l'être humain. L'âme était ainsi conduite à ce qu'aujourd'hui elle puisse comprendre ce que nous racontons d'une autre façon. Autrefois, on racontait: quand il fit tinter la clochette une fois, le roi des Aigles vint, quand il la fit tinter deux fois, le roi des Renards vint, et quand il la fit tinter trois fois, ce fut le roi des Poissons; et tous purent à chaque fois lui retrouver son cheval. Cela veut dire, les tempêtes de l'âme humaine, qui sauvagement déferlent en elle, doivent être reconnues, et si nous les reconnaissons, notre âme peut aussi se libérer de ce qu'il y a de plus bas en elle, en y mettant de l'ordre.

Nous disons: L'être humain doit apprendre à connaître combien il dépend de ses propres passions, de sa propre colère et autres, dans sa propre évolution, en relation avec sa progression de sept ans en sept ans, à savoir, combien nous devons apprendre à connaître dans la vie humaine cette triple nature d'enveloppe de l'être humain. Autrefois on proposait cette grandiose image: à chaque fois que le fils de roi avait fait tinter sa clochette, c'est-à-dire qu'il s'était rendu maître de l'un des règnes naturels, il recevait son enveloppe, son manteau. — Nous disons aujourd'hui: nous étudions la nature du corps physique. Autrefois, on employait l'image: la mère dragon lui donna un manteau en cuivre. Nous disons: nous apprenons à connaître la nature de notre corps éthérique. Autrefois: la mère dragon lui donna la seconde fois un manteau d'argent. Nous disons, en outre: nous apprenons à connaître notre corps astral avec toutes ses passions qui le déséquilibrent et se contrebalancent et ainsi de suite. Autrefois on disait, en image: la mère dragon lui remit un manteau d'or le troisième jour. — Ce qu'aujourd'hui par nos concepts nous apprenons sur la triple involucre de l'être humain, c'était autrefois suggéré par l'image du manteau de cuivre, d'argent et d'or. Et pour les âmes, qui ont autrefois absorbé les formes idéelles du manteau de cuivre, d'argent et d'or, nous disons aujourd'hui ce qui peut éveiller cher elles la compréhension pour le corps physique dense, qui se comporte à l'égard des autres corps comme le cuivre à l'égard de l'argent et de l'or. — Nous disons aujourd'hui: des entités lucifériennes sont restées en arrière lors de l'évolution planétaire de l'ancienne Lune, et il y en avait de sept espèces, qui se sont approchées du corps astral de l'être humain. Autrefois, le rhapsode disait: au moment où le fils du roi parvint sur la montagne où il devait rencontrer et s'unir à la fille de la reine des Fleurs, surgirent sept dragons, qui voulaient le dévorer, s'il n'accomplissait pas correctement sa tâche quotidienne. Nous savons: si notre évolution ne se déroule pas de la manière juste, elle s'expose en effet à être corrompue par les énergies des entités lucifériennes qui sont de sept natures diverses. — Nous disons aujourd'hui: en traversant une évolution spirituelle, nous trouvons notre Je supérieur. Autrefois, on suggérait l'image suivante: le fils du roi s'unit avec la fille de la reine des Fleurs. — Et nous disons: L'âme humaine doit s'insérer dans un certain rythme.

Voici quelques semaines, j'ai dit: lorsqu'une idée quelconque s'est élevée en elle, l'âme humaine doit la laisser mûrir dans le temps, et elle pourra alors observer un certain rythme, car après sept jours, l'idée a pénétré au plus profond de l'âme, après quatorze jours l'idée, qui a mûri, peut s'emparer de la substance astrale extérieure et se laisser baptiser par l'esprit universel; après ving-et-un jours, elle est devenue encore plus mûre et ce n'est qu'après quatre fois sept jours, elle est alors si avancée qu'elle peut alors être remise au monde comme un don personnel de notre part. C'est un rythme intérieur de l'âme. Et seul peut créer dans un sens favorable celui qui n'est pas avide de répandre de suite dans le monde ce qui lui vient à l'idée, mais qui sait que l'ordre du monde extérieur se répète dans sa propre âme, et que nous devons vivre de manière à répéter dans notre monde microcosmique le monde macrocosmique. — Le rhapsode disait: l'être humain doit mettre les forces de son âme en harmonie, il doit chercher la fille de la reine des Fleurs, et conclure une union avec elle, dans laquelle il vit avec elle durant une moitié de l'année, et la laisse vivre avec sa mère l'autre moitié de l'année, cette mère qui agit dans les profondeurs. Cela veut dire, l'homme se place dans un certain rythme et le rythme de sa vie s'écoule à l'unisson du rythme du macrocosme. Ces images — car nous pourrions exposer des centaines d'images comme celles-là — stimulèrent les énergies des âmes par leurs formes idéelles, si bien qu'aujourd'hui les âmes concernées sont devenues mûres pour entendre et comprendre d'autres formes idéelles, telles que celles que nous cultivons dans la science spirituelle. Mais cela devait se produire ainsi, pourrait-on dire, que la privation de cette aspiration ardente devait être vraiment très grande; mais d'abord devait, pour ainsi dire, disparaître dans le monde physique, tout ce qui vivait dans les âmes comme nostalgie spirituelle. Dans la première moitié du 19ème siècle, beaucoup de cela a disparu. Avec la seconde moitié du 19ème siècle, vint alors la culture matérialiste, et le désert s'étendit sur la vie spirituelle. Mais l'aspiration ardente n'en fut que plus grande, et d'autant plus important l'idéal du mouvement spirituel. Il n'y eut que très peu d'êtres humains, que nous pouvons encore ressentir comme autant de martyrs silencieux de la première moitié du 19ème siècle, chez qui ces idées, qui avaient été contemplées autrefois et furent ensuite racontées, continuèrent de vivre, car tout cela était en déclin.

(...)

Extrait de: Digression dans le domaine de l'Évangile de Marc (GA 124).

Texte allemand autorisé par la Rudolf Steiner-Nachlaß-Verwaltung.

Paru dans Neues Denken, Automne 2004, 23ième année, n°3/4.

Notes de l'éditeur francophone

(1) Il s'agit d'un extrait tiré de la conférence faite à Berlin le 10 juin 1911.

Le GA 124 est paru aux Editions Anthroposophiques Romandes et a pour titre : « Esotérisme de l'Evangile de Marc ». 

Notes du traducteur:

(1) À prendre ici uniquement et strictement au sens de « sagesse divine » ou « Sagesse de Dieu ».

(2) Il s'agit du courant originel des siècles indiqués, un courant discret et efficace, dont l'enseignement était oral. Rien à voir avec tout courant homonyme actuel.

3) La psychologie, freudienne puis Junguienne, ayant attribué des sens précis au « moi » et au « soi », on est conduit à dire simplement un « Je », pour le Selbst steinérien en allemand. Cependant, ce Je est désigné ici objectivement de l'extérieur.

En souvenir de la présence de I esus ch ristus dans le Ich allemand (autre indication de Rudolf Steiner lui-même), on gardera le Je qui peut aussi — et pourquoi pas? — faire penser au sus latin, car ce Je-là est en effet conféré à l'homme par l'étincelle divine du Christ qui est en lui. Libre à chacun ensuite de « souffler plus ou moins sur cette étincelle » pour qu'elle embrase l'âme...

(4) Avant de fonder la première Société anthroposophique en 1913, le petit groupe autour de Steiner adhérait à la Société Théosophique . Encore une fois, si on donne derrière ces mots le simple sens «  d'étude de la sagesse divine  », soit cette sagesse soit celle de Dieu et celle de Dieu en l'homme, on trouve bien un gentleman agreement sur ces subtilités d'appellation et l'on se rend compte que finalement, l'essentiel est bien d'étudier la sagesse divine et rien d'autre.

(5) Le rhapsode est à l'origine le nom donnés chez les Grecs à ceux qui allaient de ville en ville chanter des poésies et surtout des morceaux de l'Iliade et de l'Odyssée. Les rhapsodies désignaient à l'origine ces mêmes morceaux détachés des poésies d'Homère, avant de prendre le sens musical actuel.


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