Approches d’un thème repoussant

Ce que nous avons à faire dans le monde quantique

Amnon Reuveni

Dans les médias, on parle de plus en plus souvent de cet étrange monde des petites particules « au-delà de la réalité » et aux Etats-Unis, un film sur la physique quantique et la spiritualité a éveillé un grand intérêt. Cette préoccupation croissante avec la physique des particules affaiblira-t-elle le matérialisme régnant ? Voici la première contribution dans la discussion sur ce vaste thème.

Qui n’a jamais tenté d’accomplir une fois un « saut quantique » dans sa profession, dans ses études ou bien dans un autre domaine de sa vie ? Que sont les Quanta, quand et pourquoi « sautent-ils » et pourquoi ces sauts passent-ils véritablement pour quelque chose de singulier ?

Joueurs de CD et le dualisme

J’ai commencé véritablement à ressentir comme douloureuses des interrogations de ce genre lorsque mes enfants me demandèrent comment fonctionnait notre lecteur de CD. Il comprend un lecteur laser comme élément principal, pensai-je, et à la vérité nous avons partout autour de nous ce genre d’appareil. Et je réalisai en même temps une chose que l’on ne peut éprouver qu’à la suite des questions d’enfant, à savoir que je ne savais pas réellement comment fonctionnait un tel appareil. Et tandis qu’on peut encore répondre par des formulations bien pensantes aux questions des enfants sur les intentions de Dieu lors de la création de la Terre, sur la guerre et la paix, la maladie et la santé, les petits, eux, veulent vraiment savoir comment fonctionne un lecteur de CD. Un coup d’oeil au dictionnaire sur le sujet de la technologie laser met d’abord en pleine lumière des termes et des notions tirées du monde des particules : particules lumineuses (photons), qui sont engendrées par l’action d’autres photons, apparaissent d’abord ensemble avec les premières, parce qu’elles se comportent pratiquement à l’identique, dit-on. Mais qu’est-ce que cela signifie que des particules lumineuses sont identiques à d’autres particules lumineuses ? La lumière n’est-elle pas toujours de la lumière ? Eh bien!, là-dessus on mentionne dans le dictionnaire que leurs propriétés — fréquence, phase, polarisation et direction de propagation — sont « identiques ». Lorsque le mot polarisation surgit, je renvoyai simplement les enfants à une explication ultérieure, en leur disant gentiment qu’ils apprendraient quelque chose sur ces questions difficiles à l’école plus tard. Quelques semaines après, je tombai tout à coup, tel un saut quantique, sur un jeune de 18 ans qui avait eu son bac et qui avait particulièrement bien réussi en physique. À ma question sur ce qu’on lui avait dit à l’école sur la physique des particules, il me fit savoir en riant que c’était tout juste si la mécanique quantique avait été mentionnée.

Cette réponse me remit en mémoire de nouveau les définitions du dictionnaire : des particules de lumière doivent avoir les mêmes fréquences que les autres particules de lumière, pour atteindre un renforcement. Mais, pensai-je, des fréquences ont à faire avec des ondes, mais ici on parle de particules lumineuses, et donc d’objets physiques. La lumière est-elle donc une onde, ou bien une accumulation de particules ? Cette question était-elle nouvelle, lorsque la physique quantique l’avait posée pour la première fois, voici quelque cent ans ? Absolument pas, dans les entretiens avec des physiciens et des connaisseurs de ce thème, il se révèle toujours plus que de telles questions avaient bien longtemps auparavant ravi le sommeil aux scientifiques. Des ondes, que l’on observe à la surface d’un étang, interfèrent entre elles, à savoir, que par exemple deux ondes s’annulent l’une l’autre totalement ou en partie, quand elles se rencontrent. Des particules, comme nous les connaissons quotidiennement, ont pourtant un poids et on ne peut ni les engendrer ni les annihiler. Elles sont simplement là. Le message de la physique quantique : dans le monde des particules, beaucoup de choses sont possibles. Là-bas, la lumière (comme un autre rayonnement électromagnétique) a même une propriété particulière, à savoir qu’elle « vit » simultanément dans (au moins) deux mondes.

Le dualisme onde-particule de la lumière a été prouvé dans maintes expérimentations et il semble, que l’on doive simplement s’habituer à avoir un penser mobile pour pouvoir accepter cela, c’est du moins la consolation que nous laissent des physiciens bien intentionnés. Cela devient encore plus difficile quand les résultats de la physique quantique montrent que le dualisme cesse tout à coup, lorsque les particules lumineuses sont mesurées dans une expérience. Au lieu de celui-ci surgit donc un phénomène lumineux formé de particules qui ne se comportent plus comme des ondes, mais sans artifice, comme des particules « normales ». Les physiciens ont trouvé pour cette chose surprenante un bien joli nom avec le terme de « réduction d’état », ou « collapsus de la fonction d’onde » et ils pensent avoir ainsi fourni une explication suffisante. Mais si on y réfléchit un peu, beaucoup de questions fondamentales surgissent : la lumière subit-elle, à cause d’une observation (une mesure), un collapsus ?! L’homme, l’observateur, a un rôle dans la nature , comme la physique quantique l’a démontré. Mais cela contredit complètement la physique classique, car là, les mesures sont permises sans que l’observateur doive expressément se cacher.

Contradiction avec le réalisme naïf

Entre temps, j’ai compris pourquoi l’on n’enseignait pas la physique quantique dans les écoles, bien qu’elle ait démontré sa justesse dans de si nombreuses d’applications pratiques journalières. En tant que médecin ou ingénieur en mesures, on n’est pas censés connaître la physique quantique. Mais tous deux doivent pourtant apprendre aujourd’hui l’utilisation de la technique laser, le maniement d’appareils qui, sans les connaissances de la théorie quantique n’auraient pu être développés jusqu’à un si haut standard technique. Déjà en envoyant un mel, qui va faire le tour du monde, la doctrine quantique a fourni une contribution considérable. Une horloge atomique dirige les fréquences d’une radio, des éléments semi-conducteurs travaillent dans tous les appareils munis de chips, en renforçant ou en transformant des signaux. Le développement de la plupart des technologies modernes, y compris téléviseurs et ordinateurs, n'est pas imaginable aujourd’hui sans la théorie quantique.

La physique quantique est en même temps une nouvelle science de la nature, ce qui a signifié aussi une révolution mondiale dans beaucoup d’autres domaines comme la médecine, la chimie, la cosmologie et la biologie. Albert Einstein, Max Planck, Werner Heisenberg, Paul Dirac, Niels Bohr, Erwin Schrödinger et d’autres physiciens ont développé la théorie quantique au début du vingtième siècle. Ils découvrirent quelque chose d’incroyable en soi, mais ils durent le reconnaître, parce que cela fut confirmé et perfectionné, même si ce quelque chose menaçait de dérober le sol sous les pieds de ses propres découvreurs, comme Albert Einstein l’exprima un jour. Niels Bohr déclara une fois : « Celui qui n’est pas épouvanté par la théorie quantique, ne l’a vraisemblablement pas comprise. »

Pour s’épouvanter, la physique quantique fournit suffisamment d’occasions. Notre conscience journalière, qu’on appelle réalisme naïf, contredit les connaissances que, par exemple, des ondes consistent en particules ou inversement, que des particules consistent en ondes. Et elle s’oppose à l’idée du « saut quantique », pour mentionner encore une autre propriété renommée du monde des particules. Le modèle atomique de Niels Bohr énonce que des électrons ne « sont autorisés » à circuler que sur des orbites précises autour du noyau. La formulation de cette réserve est basée sur des calculs mathématiques, qui n’autorisent aucun temps pour passer d’une orbite à l’autre. C’est alors que surgit le concept de saut quantique. En 1949 encore, Einstein fit part de son plein étonnement dans ses notes autobiographiques, à savoir que ce modèle atomique lui apparaissait comme un merveille : « C’est là une musicalité sublime dans le domaine des idées. » Aujourd’hui, le saut quantique, pour les mathématiciens et physiciens, est un concept d’une théorie quantique qui a vieilli entre temps. D’autres modèles mathématiques d’atome intègrent parfaitement ce « dualisme onde-particule » mentionné plus haut, mais ce sont de purs modèles mathématiques et ils sont à peine visualisables en tant que tels. « Nous faisons certes l’expérience de la matière comme quelque chose de compact », déclare par exemple Rolf Landua, un expert sur l’antimatière , « pourtant c’est une croyance erronée ». Tables, murs, hommes : « Tout cela est composé d’environ 99,9% de vide », déclare-t-il dans une entrevue avec la Weltwoche. Dans les anciens temps, les physiciens avaient cru, que les atomes étaient compacts. Mais si l’on se représente un atome à la dimension d’un terrain de football, alors « le noyau atomique correspond à un petit pois posé au milieu de la pelouse », explique-t-il, « et les électrons tournent tout à fait à l’extérieur des tribunes ». Pourquoi ne peut-on pas traverser les murs malgré cela ? Selon l’état de la recherche actuelle, ceux-ci consistent presque entièrement en vide. Selon la vision des physiciens, cela repose purement et simplement sur la répugnance de deux électrons à se croiser. Ils semblent avoir une angoisse du repos. Les électrons seraient des « particules antisociales ».

Saut quantique selon Hollywood

Les nouveau modèles de la doctrine quantique se basent sur quelques propriétés, qui se contredisent en physique classique et laissent encore une multitude de questions ouvertes. Ces propriétés inhabituelles donnent l’occasion de discussions de principe dans de nombreux domaines, comme la religion, la biologie et la spiritualité.

L’un des plus grand physiciens quantiques, P.A.M. Dirac, était une exception notable de sa confrérie, car c’était un athée convaincu. Suite à une question lui demandant son avis sur les opinions de Dirac, son ami Wolfgang Pauli, pareillement Prix Nobel, fit la remarque suivante : « Il n’existe aucun Dieu, et Dirac est son prophète . »

Que cela soit ou non une plaisanterie, l’anecdote en dit long sur la profondeur des questions que la physique corpusculaire soulève. Des représentants des diverses orientations religieuses l’ont bien remarqué depuis très longtemps et ont tiré à eux les faiblesses apparentes de la physique quantique pour fonder leurs propres représentations. Des kabbalistes parlent de physique quantique et de sauts de conscience, tandis que les bouddhistes s’intéressent à la téléportation. Dans le pur langage des équations mathématiques, la physique quantique est effectivement objectivement fondée. Dans les expérimentations de physique quantique, les équations mathématiques se vérifient. Des concepts et des explications non-mathématiques pour ces résultats sont au contraire contestés en partie. Quelques physiciens soutiennent des théories sur un univers multiple (nous vivons selon eux simultanément dans des mondes parallèles). D’autres inclinent à se représenter un univers avec des vraisemblances infinies, qui se « réduisent » seulement au moment où un « observateur » conscient ce décide à la perception. Le rôle des observateurs dans la nouvelle physique jour un très grand rôle pour les partisans de ces orientations spirituelles. Car, comme nous l’avons déjà mentionné, une mesure dans l’expérimentation quantique modifie l’état d’une particule !

C’est tout particulièrement sur ce phénomène du rôle surprenant de l’observateur, que se fonde le succès d’un film récemment sorti sur la physique quantique et la spiritualité. Le film intitulé What the Bleep Do We Know ? (en français à peu près : Que savons-nous vraiment ?) a pulvérisé tous les records de diffusion pour un film privé. Après avoir dépassé pendant des mois dans les cinémas la durée des films à grand budget, depuis quelques semaines, il est désormais disponible en version DVD sur la liste de amazon.com. Le film consiste en une intrigue de base, dans laquelle une photographe sourde (Marlee Matlin) se trouve confrontée pendant quelques jours à des perceptions inhabituelles, qui bouleversent sa conception du monde et, à la suite de cela, transforment complètement sa vie. Une crise de couple est dénouée et une nouvelle possibilité d’entendre semble soudain même réalisable pour elle. Entre temps, huit scientifiques et médecins connus professent un nouveau modèle scientifique pour appréhender le monde. Même le controversé médium Ramtha, JZ Knight, qui parle d’une manière étonnamment juste et fondée sur la science et les questions existentielles, prend la parole et explique les questions fondamentales de notre existence. Des représentations graphiques du cerveau, des sentiments et du monde des particules, aident le spectateur à se contempler lui-même ainsi qu’à envisager le monde avec de nouveaux concepts. En dépit de réactions critiques de la part de la communauté scientifique et partiellement aussi sur la scène spirituelle (les producteurs du film et les auteurs furent identifiés comme des élèves du médium Ramtha JZ Knight) le film a été reconnu. Au sommet de son succès, il a été passé dans 200 villes et a encaissé entre 500 000 et 600 000 Dollars par semaine. Tous les arguments et explications des experts tendent à représenter l’homme comme co-participant de sa vie. La liberté, de concrétiser à partir de nombreuses possibilités une réalité par l’observation, résulte du concept de collapsus dans la théorie quantique, tel est le message du film. Notre réalité est représentée comme une somme de particules qui portent en elle tout le dualisme onde-corpuscule, ainsi que d’autres lois de la physique quantique, agissant de manière semblable dans leur logique. L’observateur dans le laboratoire quantique joue un rôle important et décisif, qui mène également à un « collapsus » de l’état du système. Dans le film, cette ensemble de lois est projetée sur notre vie quotidienne.

L’un des scientifiques importants dans le film est le professeur de physique hindou-américain Amit Goswami. Dans son livre connu L’univers conscient, Goswami développe un idéalisme moniste, comme il le désigne lui-même (la conscience en tant que fondement originel de l’existence engendre la matière) et formule la théorie osée : « En puissance et en dehors de l’espace-temps il doit exister un domaine transcendant de réalité ». Tel un archétype platonicien, l’électron existe entre les observations en tant qu’une forme de possibilité « en puissance », dans le domaine transcendant de réalité de la possibilité. » Il part du principe que des objets sont déjà formés complètement en tant que possibilités transcendantes archétypes. Pour le professeur de l’université d’Oregon, le collapsus n’a rien à faire avec quelque chose qui se passe avec les objets parce que nous les observons, mais parce que nous nous décidons pour quelque chose et qu’à la suite de cela nous reconnaissons aussi. L’onde quantique se désintègre toujours, lorsqu’il existe deux voies, mais cette désintégration n’existe que comme un potentiel, selon Goswami.

Avec la représentation d’un monde transcendant, qui est la source de tous les phénomènes physiques, Amit Goswami et d’autres nombreux chercheurs, se rapprochent déjà beaucoup des traditions spirituelles. Mais ce qui importe à vrai dire maintenant, c’est comment l’on se représente l’homme en tant que participant responsable. Le message du film What the Bleep Do We Know ? est celui d’une libération d’anciens dogmes, car l’être humain touche ici à sa situation effective dans le monde actuel. Selon le déterminisme de la physique classique tous les événements quotidiens étaient effectivement programmés dès le commencement de l’histoire du monde et le mot liberté n’avait pas de sens authentique. La théorie quantique démontre au contraire que l’homme doit bien avoir un rôle décisif en tant qu’observateur conscient. Avec l’aide de la technologie des particules, l’homme peut même anéantir totalement la Terre. Considéré au plan morale et pratique, il est donc bien pleinement responsable pour l’existence ou la non-existence de la Terre entière. Sur les possibilités dans le monde spirituel et de leurs effets sur la Terre, les physiciens ne sont véritablement pas encore au clair et une relation des discussions à ce sujet dépasserait la limite de cet article. Cinquante ans après la mort de Einstein, les questions se multiplient dans cette orientation et c’est bien ainsi. Car plus de questions seront soulevées, d’autant moins l’ancienne manière de penser du matérialisme endurci aura de chance de prédominer. Amnon Reuveni , Info3 5/2005.


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