De Siegfried à Parsifal
Rudolf Steiner
Une conférence de Rudolf Steiner,
donnée à Stuttgart en 1914
(a)
, qui n'a jamais
été publiée jusqu'à présent.
Richard Wagner a tenu à représenter son
Anneau du Niebelung à
l'occasion d'un "festival arrangé de manière bien précise";
Il caractérisait son
Parsifal comme "la
représentation solennelle d'un drame initiatique", et il prit
des dispositions pour que cette oeuvre ne puisse être donnée
qu'à Bayreuth pendant les trente années qui ont suivi la première
représentation (26 juillet 1882)
(b)
. Celui qui connaît
la profondeur spirituelle et le caractère cultuelle de cette oeuvre,
par ailleurs la dernière oeuvre de Richard Wagner, peut comprendre
cela sans plus. (On peut ressentir un souci analogue en ce qui concerne
les représentations des Drames-Mystères de Rudolf Steiner dans
le monde entier.)
De fait, on a vu récemment
de mauvaises mises en scènes qui manifestent justement toujours cette
tendance psychologisante, "moderne", parfaitement inadéquate,
en attendant même à Bayreuth. C'était d'autant plus réjouissant
de voir en février dernier, à l'Opéra Bastille de Paris
(présentée en 1997 pour la première fois), des réalisations
de l'Anneau
quelque peu plus "dignes et initiatiques", tant par la mise en
scène de Graham Vick, que par le niveau de l'exécution musicale
(sous la direction de James Colon). Il faut espérer revoir ces représentations
parisiennes à l'avenir. On a pu entendre récemment la "Kundry"
parisienne (Violetta Urmana), lors d'une représentation donnée
à Zurich aux dernières Pâques (dans le cadre d'une autre
mise en scène)
(c)
.
Zurich est précisément liée au destin de cette oeuvre,
puisque c'est dans le jardin de la maison d'accueil Wesendonck, à
Zurich, que Wagner reçut l'inspiration originelle de son
Parsifal .
Dans le contexte de ces représentations
parisiennes et zurichoises du
Parsifal , il nous a semblé
opportun de publier maintenant ces développements de la conférence
de Rudolf Steiner, si riches de sens et si profonds, restés jusqu'à
présent inconnus.
Thomas Meyer
(a)
Rudolf Steiner a donné cette conférence le 6 décembre
1914 devant les membres le Société Anthroposophique, lors
d'une réunion de la Branche de Stuttgart. Le contenu des 14 pages
de notes dactylographiées, qui nous sont parvenues, reflète
pratiquement exactement la forme et la teneur des notes prises par un auditeur
de cette conférence.
(b)
Quelques mois avant cette
conférence du 1er août, - la veille au soir de la déclaration
de guerre - Steiner y avait assisté à la représentation
de Parsifal,
en présence de Marie von Sivers et Hélène Röchling.
(c)
Dates des trois représentations
zurichoises: 1
er , 2 et 11 avril 1999.
À
partir de l'oeuvre de Richard Wagner,
l'Anneau du Niebelung
, on peut reconnaître comment le Je, l'individualité humaine
consciente d'elle-même de la cinquième époque post-atlantéenne,
est né de la sagesse originelle de l'époque atlantéenne.
C'est à notre époque que se rattache en effet la mission de
développer un Je libre, autonome, une individualité ayant toutes
les qualités requises, ainsi que d'amener l'intellect à son
épanouissement extrême. L'égoïsme, l'existence individuelle,
qui confère par ailleurs la liberté personnelle à l'être
humain, doit d'abord se rattacher à l'intellect, en renforçant
la vie au plan physique. L'homme reçut donc à l'origine cette
impulsion de liberté par la volonté des dieux.
Wotan , et
les dieux guidés par Lui, ont donc renoncé à l'amour
servile de l'homme. Dans
l'Anneau
il est dit: "Celui que j'aime - Qu'il soit garant de lui-même
- Qu'il vainc ou qu'il échoue - Il est son propre maître."
(1)
Le principe
de liberté doit exister pour donner à l'homme la possibilité
de retrouver le chemin de la divinité par une décision volontaire,
absolument et entièrement libre, indépendamment de toute volonté
divine supérieure. Le savoir rationnel a donc pris naissance de la
pure sagesse, ces flammes originelles représentées par le fleuve
du Rhin.
L'intellect est représenté
par l'or, mais un or originellement pur, une vertu de pureté qu'incarnent
les filles du Rhin. Le Je humain, avec ses trois facultés du penser,
du sentir et du vouloir, a pris naissance dans le Rhin, au sein de cet élément
psychique inhérent au fleuve, au cours d'eau.
L'être humain faisait à l'origine partie de Dieu. Dans l'accord
en mi-bémol majeur
(2) , Richard
Wagner nous présente l'activité créatrice de la divinité
dans le monde des forces psychiques. Dans la dominante, la tierce, la quinte
qui est déjà en mouvement, nous avons ce qui crée, trame
et agit dans le mouvement ainsi figuré. L'élément divin
vit et s'active dans ce triple accord et le Je divin Lui-même est agissant
au sein même de cette triade divine; Ce qui se trouve à la base,
c'est la sagesse divine, c'est le Saint Esprit. La sagesse divine traverse
le plan astral. Et aujourd'hui, elle agit du centre de la terre, à
partir des forces les plus denses, pour spiritualiser à nouveau la
terre, pour dissoudre ce qui s'est compacté, resserré sous
l'effet de la particularisation. L'anneau de l'égoïsme est donc
rompu par ces forces d'amour affluant désormais de l'acte d'amour
accompli lors du Mystère du Golgotha. C'est ce que
Brunhilde
sait. Elle sait que le feu d'amour spirituel purifie l'anneau de la malédiction
qui pèse sur lui; Elle sait que ce feu consume l'égoïsme,
que l'or de l'intellect est apuré de l'égoïsme et qu'il
doit être à nouveau fondu dans la sagesse. L'amour qui s'oublie
pour les autres est donc né de la sagesse. Délivré de
la contrainte du royaume terrestre, le Je naît de l'eau et du feu des
forces purement astrales et il doit être rendu à l'élément
originellement pur de l'eau et du feu.
Le Je personnel doit en venir à s'ouvrir au divin comme la fleur
qui s'épanouit et s'offre aux rayons du soleil. La cinquième
époque post-atlantéenne, qui mûrit l'individualité,
doit retrouver une relation au divin pour que la poursuite de l'évolution
ne mène pas à l'endurcissement du Je. Nous sommes parvenus
à ce moment de l'évolution, là où nous sommes
présentement, où s'engagent des épreuves qui nous conduiront
à dissoudre progressivement notre individualité particulière.
Quand nous pourrons sacrifier un peu nos petits intérêts personnels,
nos intérêts égoïstes liés à notre
personnalité, au profit des grands intérêts universels,
alors pourra survenir ce qui doit survenir. La cinquième époque
post-atlantéenne doit faire mûrir un Christianisme intériorisé,
libre de ces influences de nature égoïste. Le vrai Christianisme
doit montrer qu'il est désormais possible à l'âme humaine
de s'élever au-dessus de tout ce qui dégrade l'âme au
sein du penser, du ressentir et du vouloir. Car l'homme vrai est dégradé
par les cupidités et les passions de la nature inférieure,
d'une part; mais d'autre part, l'homme vrai s'avilit aussi lui-même
lorsqu'il ravale la meilleure faculté qu'il possède, l'esprit,
en en faisant un mauvais usage à des fins dégradantes, des
fins qui ne servent qu'à accroître le pouvoir personnel. La
mort d'une nature du type de
Siegfried
, celle de la spiritualité d'un
Baldur ,
ont été ressenties comme tragiques par nos ancêtres germaniques.
Siegfried
- Baldur
ne pouvait pas encore être armé pour vaincre ces puissances
ténébreuses amenées par les dieux et qui sont représentées
dans le Crépuscule
des dieux
. Il ne pouvait pas encore contrecarrer, vaincre ou même percer à
jour, l'élément ahrimanien à l'oeuvre dans le personnage
de Hagen
; Il ne pouvait pas encore vaincre l'égoïsme luciférien
en lui. Car
Siegfried
aurait dû admettre qu'il devait rendre l'Anneau aux
Filles du Rhin
, et qu'il aurait dû écouter jusqu'au bout
Loge -Lucifer;
qui affirmait qu'il fallait restituer l'Anneau. Nous l'écoutons jusqu'au
bout lorsque nous avons appris à distinguer le bien du mal et lorsque
l'intellect débouche à nouveau dans la sagesse. Mais l'homme
doit apprendre à pouvoir résister aux tentations de Lucifer.
D'une manière négative, à vrai dire, Lucifer conduit
l'homme à se renforcer en lui-même jusqu'à le rendre
capable de percer à jour Lucifer et de le ramener à la sagesse
par la connaissance. Lucifer est dangereux là où les passions
humaines s'expriment, dans le penser, le sentir et le vouloir. L'homme doit
en triompher. Il doit surmonter les exigences égoïstes du penser
du ressentir et du vouloir.
Pour quelle raison l'épée
Nothung
ne protège-t-elle pas
Siegfried
de la perfidie de
Hagen ? Dans
les quatre parties individualisées de l'oeuvre,
l'Anneau, la Walkyrie, Siegfried et le Crépuscule des Dieux,
on assiste à une descente vers le monde terrestre solidifié,
jusqu'à l'avènement du Je personnel de l'être humain.
Siegfried
descend ces degrés jusqu'à atteindre la dernière phase,
l'individualité personnelle. L'ancienne Sagesse se perd pour lui et
il n'en possède pas encore de nouvelle, c'est pourquoi il ne peut
pas encore triompher de ces puissances qui, précisément sont
grosses de danger pour le Je personnel. Il possédait pour ainsi dire
quelques restes, les derniers, de l'ancienne sagesse qu'on avait encore en
passant de la conscience de la lignée à celle du Je personnel;
Mais ces derniers restes sont aussi perdus pour lui et ne lui sont plus d'aucune
utilité. Les hommes qui ont pleinement accompli l'expérience
de la quatrième phase - Et
Siegfried
ne réalise même pas cette expérience totalement, il est
l'homme d'une époque de transition - n'en ont même plus la conscience;
Celle-ci s'est bel et bien obscurcie en nous. Certes nous possédons
encore Grane
, le cheval, la sagacité terrestre. Mais celui-ci ne nous préserve
pas suffisamment des puissances obscures. Et l'épée des anciennes
forces d'initiation, la sagesse et la connaissance anciennes, qui resurgissent
chez Siegfried
, ne sont pas en mesure de le protéger face aux dangers amenés
par l'intellect naissant; C'est pourquoi il doit succomber aux forces des
ténèbres. La spiritualité et le rayonnement lumineux
des anciennes époques s'éteignent tandis que triomphent les
manigances sournoises de
Hagen . Mais
la destinée rattrape aussi ce dernier, car il doit aussi s'engager
dans la chemin de la purification, de la catharsis, que les
filles du Rhin
lui imposent en l'entraînant dans les profondeurs; Ce chemin le conduit
au tréfonds de son âme.
Baldur-Siegfried
doit être vaincu par les forces obscures qui ont leur siège
dans l'égoïsme. Et le malheur se serait abattu sur l'humanité
si le Mystère du Golgotha n'était pas survenu, si le Christ-Jésus
ne s'était pas incarné dans les enveloppes merveilleusement
pures de Jésus de Nazareth, élaborées et spiritualisées
par le grand maître Zarathoustra. Le Christ-Jésus devait mourir,
comme Baldur et Siegfried sont morts. Mais le Christ, Lui, a triomphé
des forces des ténèbres. C'est pourquoi nous avons désormais
l'assurance de triompher des puissances obscures qui siègent dans
l'égoïsme, par les forces du Je supérieur, qui ont été
déposées en nous à l'état de germes par le Mystère
du Golgotha pour le restant de l'évolution à venir. Nous pouvons
dès à présent éveiller ces forces en nous et
maîtriser l'égoïsme. Il ne s'agit que de l'égoïsme
injustifié, qui fait de nous des êtres épouvantables
et se révèle par la lascivité, l'avidité de pouvoir
et la mégalomanie ou de la vanité du Je personnel. Voici ce
que nous devons apprendre de Richard Wagner: Au sein de l'apprentissage occulte,
il n'existe de danger nulle part ailleurs que là où l'égoïsme
s'exprime, depuis que s'est accompli le Mystère du Golgotha. Si nous
en triomphons - et nous pouvons en triompher - nous pouvons progresser sans
danger dans notre cheminement spirituel. Nous pouvons librement décider
quel chemin prendre. Nous avons reçu le don du penser pour être
en mesure d'agir à partir de notre libre discernement. Mais nous devons
aussi maintenir la pensée libre des attaques ahrimaniennes et lucifériennes,
en ce qui concerne l'élément moral, car il est ensuite possible
de comprendre les connaissances dans lesquelles nous devons nous engager.
Si nous voulons réaliser la vraie réalité humaine, nous
devons apprendre à considérer notre âme dans ses trois
dimensions, pour ce qui est de l'élément moral et à
partir de notre Je. Par une connaissance de soi courageuse, nous devons apprendre
à percer à jour ce que sont les dangers et ce qu'est le bien
au sein du penser, du sentir et du vouloir. Dans le Mystère du Golgotha,
le Christ a triomphé des forces obscures, de tout ce qui a fait son
entrée dans les humains suite au péché originel, à
la chute. Ce péché originel fut nécessaire pour mener
les hommes à la liberté, ou bien en s'ouvrant à la divinité
ou bien en développant l'individualité particulière.
La divinité nous a donné la pensée pour que nous apprenions
à discerner le bien du mal. Mais pour cela nous devons mener la pensée
à son terme, si nous voulons apprendre à faire cette distinction.
On pense à fond en prenant conscience du fait que la pensée
doit s'ouvrir à la divinité. La pensée doit être
purifiée pour cela; car le Soi Spirituel, le Manas, naît de
la catharsis, de la purification des forces de l'âme. La sagesse de
Dieu, qui est une partie du Soi divin, y prend naissance, une sagesse unie
à l'Esprit de Vie, l'esprit de l'amour spirituel, qui est pour l'Homme
Esprit, la volonté spirituelle. C'est cela que nous devons comprendre,
que la sagesse de Dieu est quelque chose que nous pouvons conquérir
en nous engageant dans des voies qui mènent d'abord à la libération
de la pensée de l'égoïsme. Sinon nous nous engageons dans
des chemins qui ne mènent qu'à l'endurcissement du Je. La pleine
sagesse divine ne peut seulement être acquise qu'en purifiant la totalité
de l'âme de la recherche de l'intérêt personnel, y compris
dans son ressentir et dans son vouloir. La mission de la cinquième
culture post-atlantéenne est premièrement, de développer
le penser, deuxièmement de libérer le penser de son égoïsme.
La purification de la volonté consiste à acquérir de
haute lutte la bonne volonté qui mène au plan de la sagesse
divine, car: "Saints sont ceux qui sont de bonne volonté".
La béatitude divine est l'aboutissement de ce chemin qui, il est vrai,
conduit la volonté vers de plus en plus d'épreuves. Mais en
fin de compte, la pensée spirituelle, la volonté spirituelle
et la béatitude divine doivent prendre naissance de la purification
du penser, du ressentir et du vouloir.
Si nous acquérons la bonne volonté, par laquelle nous devons
déjà commencer à présent, alors nous purifierons
le Je de son égoïsme, alors nous prenons nous-mêmes part
à l'amour compatissant, en laissant notre petit Je devenir le reflet
du grand Je. Et cet amour spirituel devra toujours être uni à
la sagesse.
Tout cela nous est donné dans le
Parsifal
. Le vrai Christianisme doit prendre son essor à partir de la cinquième
époque post-atlantéenne, l'époque de culture germanique
(Il faut plutôt comprendre cela au sens général d'anglo-saxonne,
en fait. N.D.T.). Ce qui, émanant des mondes spirituels, pénètre
toujours plus profondément le Je qui a mûri, ce qui s'enfonce
toujours plus dans la nature humaine pour s'unir avec ce Je parvenu à
maturité, c'est ce que nous appelons la grâce. La différence
entre Parsifal
et Siegfried
, c'est:
Siegfried
ne pouvait pas se prémunir contre les puissances sinistres incarnées
chez Hagen
. Dans la première partie de l'oeuvre,
Parsifal
est semblable à
Siegfried
. Parsifal
surgit dans
toute sa pureté, son innocence, dans le domaine du Graal; Devant l'humanité,
il apparaît comme l'insensé; En effet, comment le monde devrait-il
admettre que ce fou est plus sage que lui? Peut-être qu'un insensé
de cette espèce connaît-il, mieux que le monde n'en est capable,
le sens profond des paroles que
Wotan adresse
à
Mime lorsque,
parcourant le monde, il décide de faire une halte chez ce dernier:
"Plus d'un se berce de l'illusion d'être sage, et ne sait pas
seulement ce qui lui est nécessaire. C'est mon Verbe qui le lui enseigne
généreusement."
(3)
L'âme de
Parsifal
nous apparaît dans toute sa candeur enfantine. Sans cette nature enfantine,
qui n'est que folie devant le monde, il n'aurait pu parvenir dans le domaine
du Graal.
Quel est ce domaine du Graal? C'est d'une certaine manière ce qu'est
cette forêt dans laquelle
Siegfried
tua le dragon. C'est le monde astral élémentaire, dans lequel
on cherche la forteresse du Graal.
Klingsor
, l'ennemi de la fraternité du Graal, est une entité qui ressemble
aux puissances qui peuvent développer leur activité dans l'égoïsme
de l'homme, comme
Alberich
et Hagen
l'étaient aussi.
Amfortas
n'a tout d'abord pas suffisamment évolué pour être en
situation de vaincre
Klingsor.
De grandes reliques sacrées se trouvent dans la forteresse du Graal,
à la garde d'
Amfortas.
Klingsor
a arraché la sainte lance des mains d'
Amfortas
, lors d'un combat, du fait qu'
Amfortas
a succombé à la séductrice
Kundry ,
une entité mauvaise, dont les effets peuvent devenir pervers sur l'âme;
Elle agit aussi dans l'égoïsme de l'être humain. On peut
l'appeler Vénus ou Paradis, car Lucifer et Ahriman sont intimement
unis au point de se confondre dans sa nature. Richard Wagner nous décrit
ce personnage de
Kundry comme
servant les Chevaliers du Graal dans sa conscience diurne, mais sous la coupe
de Klingsor
par l'impureté de son Je, dans sa conscience nocturne, lorsque son
Je n'est pas libre et que sans le vouloir, elle est vouée à
Klingsor
pendant la nuit. Elle paraît donc comme une âme hésitant
entre le bien et le mal, qui n'est plus maître sur le mal.
Amfortas
voulait vaincre le sorcier, le magicien noir, avec les forces divines de
la lance, mais il tomba sous le pouvoir de
Kundry .
Il n'était donc pas mûr, il n'était pas parvenu à
la catharsis supérieure du Je. Il ne pouvait pas encore surmonter
l'égoïsme qui a son siège dans la convoitise. La pureté
du Je lui faisait défaut. Un autre devait venir: "Par compassion
sachant, le candide fol".
(4) Celui-ci
devait apporter toute la vigueur et la maturité du Je.
Parsifal
avait tué un cygne. Il y a beaucoup de choses à dire sur cette
mort du cygne. Le Je personnel a donc effectivement tué l'élément
spirituel, représenté par le cygne, par son égoïsme.
Dans le regard du cygne mourant,
Parsifal
apprend ce que signifie tuer. Il apprend à ressentir de la compassion
et de l'amour à l'égard du monde animal, auquel l'être
humain est redevable. Il apprend ce que faire du mal veut dire. Il doit recevoir
une seconde leçon en répondant aux questions que
Gurnemanz
lui pose.
Parsifal
ne sait répondre à aucune. Pourtant à celle-ci: "Dis,
maintenant, tu ne sais rien de ce que je te demande: Conte alors ce que tu
sais. Car enfin, tu dois savoir quelque chose!", il répond: "J'ai
une mère;
Herzéloïde
est son nom; la forêt et la prairie sauvage furent notre demeure."
(5) En effet,
l'être humain n'accède pas au domaine du Graal sans cette mère.
Il ne va nulle part non plus sans traverser les épreuves que cette
Herzéloïde
lui amène. Qui est donc cette
Herzéloïde
, la mère?
Kundry la
connaît, elle lui apprend que sa mère est morte de chagrin à
cause de son départ. C'est donc quelque chose que tout homme fait
sans le savoir. Chacun de nous s'est échappé en abandonnant
cette mère. Dans la légende originelle, on raconte comment
Parsifal
apprend d'un ermite que quelqu'un n'a pas abandonné sa mère.
Parsifal
a abandonné la mère Sophia, la sagesse divine, qui se rattache
toujours à
Herzéloïde
. Cette dernière est l'ancienne sagesse préchrétienne,
la mère du Je personnel. Cette mère divine meurt quand l'être
humain acquiert son Je personnel. Nous avons abandonné l'ancienne
sagesse divine et nous n'avons pas encore accueilli la nouvelle sagesse divine;
Nous devons d'abord l'acquérir. C'est d'une manière toute nouvelle
que nous devons l'accueillir. C'est ce qui est affirmé par Jean, le
disciple que le Seigneur aimait. Sur la croix, il accueille auprès
de lui la mère, la sagesse divine qui est à présent
une nouvelle mère, une mère christifiée, qui est ainsi
réacquise avec
Herzéloïde
.
Siegfried
ne fait pas pleinement l'expérience d'un Je qui s'individualise.
Parsifal
fait au contraire l'expérience de ce Je personnel, quoiqu'il ressemble
à
Siegfried
comme deux gouttes d'eau. Il entre en rapport avec cette nouvelle sagesse
dans le domaine du Graal, tout en étant d'abord totalement ignorant.
Parsifal
se trouve dans la cinquième époque post-atlantéenne,
Siegfried
au passage de la troisième à la quatrième époque.
Parsifal
devait abandonner sa mère, l'ancienne sagesse pour devenir autonome.
L'être humain est mené de l'ancienne sagesse au Je personnel.
Parsifal
a beaucoup de noms, mais il n'en connaît plus aucun. Il a traversé
de nombreuses incarnations, lors desquelles il a sans cesse porté
des noms différents, mais il n'en sait plus rien. L'être humain
devenu une personne ne sait plus qu'il a déjà existé
de nombreuses fois et qu'il a porté beaucoup d'autres noms.
L'état de santé
d' Amfortas
se complique avec l'évolution vécue par
Parsifal
. L'humanité à deux chemins devant elle: Celui d'
Amfortas
et celui de
Parsifal
. Les deux cheminements doivent s'unir si on veut recouvrer la santé
de l'âme.
Amfortas
nous apparaît comme grevé de douleurs, profondément
atteint et malade en son âme sous l'effet de la lance. Qu'est-ce que
cette lance? "Qui de ma lance craint la pointe, ce feu jamais ne franchisse!"
(6) Celui
qui ne peut pas encore franchir ce mur de flammes continuellement en mouvement
doit craindre la pointe de cette lance. C'est le cas d'
Amfortas
. Il succombe à l'élément de cupidité de
Kundry qui
réside dans le domaine du désir. Il doit craindre la pointe
de la lance qui l'a blessé. Il est donc atteint au plan psychique
autant qu'au plan corporel. La lance est représentée comme
la lance de l'amour divin, la lance solaire de la divinité. La pointe
de la lance agit au plan spirituel comme les rayons solaires qui transpercent
les hommes. De son éclat lumineux, la divinité éclaire
chez l'homme son imperfection personnelle. Ce n'est pourtant pas la divinité
qui punit en quelque sorte l'humanité, mais l'être humain se
juge lui-même et parvient à la connaissance de soi sous l'effet
des forces lumineuses de la lance. C'est la situation dans laquelle se trouve
Amfortas
. Il doit reconnaître que lui, le gardien élu du Graal, ne peut
pas supporter la divinité car il n'est pas suffisamment pur pour cela,
parce qu'il ne peut pas traverser sans danger le mur des flammes vivantes,
le mur des passions. La profonde blessure consiste dans le fait de devoir
se dire: "Dans le château du Graal, je dois découvrir la
relique sacrée à l'intention de ceux qui sont purs et moi,
moi je suis indigne de faire cela."
Klingsor
a utilisé les forces créatrices de la lance à des fins
personnelles, et c'est bien ce qui est épouvantable. L'égoïsme
ne doit pas disposer de telles forces, car ce serait épouvantable
pour les événements du monde. Pour ces événements,
le combat n'est pas encore terminé et il continuera tant que tous
les hommes ne se seront pas décidés pour le bien.
Parsifal
doit effectivement causer une déception à
Gurnemanz
car il doit commencer à connaître la compassion et à
s'engager dans le sentier octuple dès son arrivée au château.
Parsifal
aurait dû poser une question importante au roi malade: "Mon oncle,
quel est ton mal?"
(7) Il aurait
dû ressentir de la compassion et en même temps - sinon cette
question n'a aucun sens - posséder les forces secourables qui reposent
dans la lance. Mais il ne les possède effectivement pas. Il doit d'abord
les conquérir. "Oh! quel miraculeux et suprême bonheur!
de l'arme qui put fermer ta blessure je vois découler un sang sacré
aspirant à la source parente qui coule là-bas dans l'onde du
Graal (8)
" La lance porte en elle ces forces de guérison. Sous l'expression
"oncle", se manifeste le fait que
Parsifal
, dans le Graal, se trouve au milieu de ceux qui lui sont spirituellement
apparentés, c'est-à-dire ses frères en esprit. Mais
il ne sait pas qu'
Amfortas
est son frère spirituel, un frère qui se trouve à un
rang plus élevé et c'est la raison pour laquelle il s'adresse
à lui en l'appelant son oncle. Il ne reconnaît donc pas son
frère spirituel. Il ne sait pas plus que
Titurel
est son grand-père,
Titurel
le vieillard chenu qui a édifié la château du Graal et
qui se trouve réellement dans les mondes spirituels, où l'on
peut effectivement réellement le rencontrer lorsqu'on dirige l'activité
de connaissance sur ces mondes par le regard clairvoyant; Toujours est-il
qu'il est le grand ancêtre des frères du Graal, le grand maître.
Par son innocence,
Parsifal
peut entrer dans la forteresse du Graal, il peut vivre les Mystères
et voir le roi malade et perclus par les souffrances. Le Saint Graal se découvre
devant lui: "Du vaisseau sacré, le divin contenu s'empourpre
d'un éclat lumineux"
(9) . Il
peut faire l'expérience des forces rajeunissantes qui lui sont aussi
transmises. Aussi ignorant qu'il soit, il peut toutefois déjà
éprouver les forces de rajeunissement en étant autorisé
à voir cette coupe qui s'empourpre, et à recevoir ce qui rayonne
de cette coupe rougeoyante. Il voit tout cela, mais il ne peut pas poser
la question, car il ne possède pas la connaissance.
Parsifal
doit apprendre en faisant l'expérience du monde. Il doit apprendre
à percer à jour ce que
Siegfried
ne pouvait pas encore faire. Il doit vaincre la sournoiserie de
Klingsor
et de Kundry
; Ahriman et Lucifer s'approchent à présent de lui en le tentant.
En surmontant l'épreuve de la tentation, il doit conquérir
de haute lutte ce qu'il ne possède pas encore, mais qu'il doit acquérir
maintenant.
Kundry se
trouve sous le charme de
Klingsor
. Elle paraît comme si elle n'avait pas vraiment d'existence physique,
presque diaphane, comme si seuls son Je et son corps astral apparaissaient,
à l'état de rêve, endormie, comme ayant perdu toute conscience
diurne. Elle est ensuite artificiellement éveillée du rêve
dans lequel le charme de
klingsor
l'a plongée. On a alors l'impression: Tout cela - le second acte
dans son ensemble - ne se déroule pas à ce moment-là
sur le plan physique.
Klingsor
parvient à la réveiller, si bien qu'elle plonge dans les profondeurs
avec un rire affreux pour aller séduire
Parsifal
. Ce rire, c'est la cause de son péché, de sa maladie. Elle
s'était mise à rire autrefois, au passage du Sauveur portant
sa croix. Ce rire, c'est le lieu où la frivolité habite l'âme.
Cette âme frivole rit toujours de la dimension de pureté et
d'innocence du spirituel.
Parsifal
ne succombe pas au charme des
Filles-fleurs
; Et à l'instant où il pourrait devenir la proie de
Kundry ,
qui se rapproche de lui de la manière la plus subtile,
Parsifal
triomphe, car à cet instant la compassion surgit en son âme.
À présent, il ressent les douleurs atroces d'
Amfortas
. Il le comprend, il se sent uni à lui, dans l'âme du roi du
Graal, dans cette âme chargée de souffrance et il l'appelle:
" Amfortas
! - La blessure! - La blessure! - Elle brûle en mon coeur!"
(10)
Kundry
met Parsifal
à
l'épreuve en lui rappelant sa mère. Elle lui fait le reproche
d'avoir provoqué sa mort, si bien qu'il s'écrie: "Ha!
qu'ai-je pu oublier encore? De quoi me suis-je jamais souvenu? Seule une
folie accablante vit en moi?"
Kundry lui
rétorque ces paroles tentatrices: "L'aveu effacera la faute dans
le repentir. Le savoir en raison changera la folie!"
(11)
Kundry ne
veut pas signifier la connaissance divine. Tout ce que la tentatrice exprime
est altéré, dénaturé quant au sens, de manière
sophiste, le blanc est inversé en noir. Elle ne triomphe pourtant
pas; Car c'est précisément l'instant où la victoire
est remportée, où
Parsifal
éprouve les souffrances de l'autre dans son propre corps, en cet
instant où l'amour divin, miséricordieux naît en lui.
Ressentir les souffrances des autres, dans notre propre corps, c'est à
cela que nous sommes conduits en ce temps de guerre (la conférence
a été donnée pendant la guerre 1914-18. N.D.T.), en
nous livrant à méditer ces paroles:
"Aussi longtemps que
tu ressens la souffrance qui m'évite, Christ n'est pas reconnu agissant
dans l'essence du monde."
(12)
Aussi longtemps que nous
ne pouvons pas épouser les souffrances des autres, il n'est rien de
vrai dans le Christianisme. Par
Kundry ,
Parsifal
devient donc "clairvoyant au monde" mais d'une manière
qu'elle ne désirait certainement pas. Désormais, il a acquis
une expérience du monde et il perce à jour l'âme de
Kundry .
Il a donc triomphé à présent de la tentation luciférienne,
il a l'expérience du monde, il est devenu clairvoyant au monde et
il reconnaît la blessure qui brûle dans le coeur d'
Amfortas.
Au cri de détresse de
Kundry ,
Klingsor
s'abandonne à l'illusion, la plus déraisonnable à laquelle
il puisse se livrer: Il jette sa lance sur
Parsifal
. Celle-ci lui échappe et reste suspendue au-dessus de sa tête
de Parsifal,
qui s'en empare vivement et décrit le signe de croix avec ravissement.
Par ce signe,
Kundry et
Klingsor
sont vaincus; L'ensemble du jardin enchanté s'effondre en ruines.
La croix que
Siegfried
ne pouvait pas encore prendre sur lui,
Parsifal
en a connaissance. Il sait que l'on doit porter sa croix, prendre sur soi
cette croix de la catharsis de l'être humain entier, si on veut devenir
digne de la lance et si on veut de nouveau prendre part à l'amour
de Dieu qui se présente sous l'aspect de la lance solaire, de la lance
d'amour, la sainte lance. La divinité dirige ses rayons d'amour solaire
sur tout être; Mais cet amour, qui illumine l'âme humaine comme
les rayons du soleil, agit sur la nature humaine et y provoque une blessure
- quoique le soleil lui ne le fasse pas -, et cette blessure reçue,
provoquée par la lance pour ainsi dire, est aussi guérie par
cet amour. " Une seule arme est propice: La blessure ne peut être
fermée que par la lance qui l'a faite."
(13)
Il existe
des Chrétiens bien-pensants, mais qui n'approfondissent pas la connaissance
du Christ et parlent volontiers de l'amour du Rédempteur en affirmant
que le Sauveur est toujours amour. On ne doit pas oublier pourtant qu'on
ne pas approcher sans plus le Rédempteur, sans une préparation
correspondante; C'est la raison pour laquelle il faut parler du chemin qui
prépare celui qui mène vers Lui. Le Christ exige de nous -
et doit l'exiger - l'effort de purification de notre être. Et lorsque
nous l'approchons dans un état d'immaturité, Il agit sur nous
dans sa grandeur comme en nous jugeant, bien qu'il ne juge pas. Il agit ainsi
seulement par la majesté de son apparence que nous devons comparer
à notre imperfection, dont nous ne soupçonnons pas du tout
l'ampleur souvent. Les épreuves qu'
Amfortas
doit traverser en cette circonstance, ont été vécues
en Palestine, elles ont été effectivement vécues par
un homme qui, par ignorance, commença d'abord à persécuter
le Sauveur et ses disciples: Paul. La lumière, dans laquelle la voix
du Christ retentit pour lui, en lui apportant la connaissance de soi, a agi
en lui comme une lance ouvrant une blessure. Il sut de ce fait qu'il suivait
le spirituel. Il sut; Le Christ en nous, l'homme christifié doit s'unir
au Christ en dehors de nous. Pour cela, nous avons beaucoup, beaucoup à
faire à notre époque. Le Christ ne peut pas sans plus habiter
une âme obscure.
Par sa seule apparition,
il agit donc en nous, séparant le bien et le mal, quoique qu'il ne
juge pas comme un juge nos pensées, nos sentiments et nos sensations
les plus secrètes. Mais si nous pouvons lui pourvoir une âme
pure, nous n'avons plus besoin de redouter la pénétration de
la lumière du Soleil-Christ, la sainte lance. Le Christ agit pédagogiquement
en nous, pour ainsi dire, en mettant en lumière le bien et le mal
de notre âme avec sa lance divine, sa lance d'amour. Nous devons donc
faire entrer en nous ce qui maintient l'ordre, la loi d'harmonie divine,
la réaliser en nous, si nous voulons apprendre à supporter
la lance. La lance est conquise sous le signe de croix.
Parsifal
est en situation de s'emparer de la lance par le fait qu'il a vaincu
Kundry ,
la nature inférieure du désir. Il reconquiert par ce fait les
forces aidant à la guérison, qui appartiennent à la
magie blanche désintéressée et qui ne doivent pas tomber
aux mains du magicien noir égoïste. Mais
Kundry lui
adresse la malédiction: Égarement! Égarement! si bien
connu de moi - je te le voue, sois son guide!
(14) Cette
malédiction agit de telle manière que
Parsifal
doit encore traverser de nombreuses épreuves. Mais ensuite il apparaît
revêtu de sa cuirasse. Nous avons là l'armure, la cuirasse possédée
par Lohengrin
, l'armure de l'esprit qui consiste à s'armer vis-à-vis de
l'univers et du monde, à les percer à jour et à pouvoir
résister aux passions inférieures. La cuirasse de ces forces
de connaissance et de cette clairvoyance universelle triomphe de l'erreur
à laquelle l'âme est extérieurement et intérieurement
exposée et peut acquérir une nouvelle sagesse christifiée.
L'être humain ne sait pas, ni la première fois, ni la seconde,
quand il est digne de pénétrer dans le château du Graal.
Kundry
peut s'éveiller du long sommeil hivernal de son errance. Elle peut
vivre la conversion de son âme qui s'éveille des ténèbres
et des erreurs. "Servir, servir."
(15)
Parsifal
a atteint la source sacrée qui représente la sagesse, la sagesse
divine qui le purifie de l'erreur dans les faits. Le lavement des pieds commence,
le lavement des pieds qui signifie toujours la volonté de servir.
Après s'être purifié de la poussière de sa longue
errance, il s'aperçoit qu'il entre dans une nouveau rapport avec le
monde qui l'entoure, avec le monde végétal, la nature végétale,
l'âme humaine. L'oiseau du bois pouvait aussi parler à
Siegfried
, parce que celui-ci disposait de cette relation, entre la nature et son
être, après avoir tué le dragon
Fafner .
(16) Lorsque
nous avons acquis ces relations avec la nature, alors nous entendons ce que
la nature nous dit et nous devenons alors clairaudiant. Nous trouvons la
forteresse du Graal en notre for intérieur, mais seulement si nous
avons édifié nous-mêmes le temple, si nous avons érigé
ses colonnes en notre âme de nos propres mains. Dans le
Crépuscule des dieux
, on raconte que le
Walhalla
est réduit en cendre par le feu lunaire
Loki. Cela
veut dire que le feu de Lucifer provoque la déchéance du corps
physique. L'égoïsme des passions apporte à l'être
humain la décadence du corps physique menant à la mort. Celui-ci
doit donc désormais édifier un nouveau temple à partir
de ses propres forces, en utilisant les forces déposées en
lui depuis le Mystère du Golgotha, en reconnaissant ainsi au sens
juste la mission de son Je. C'est alors que surgit le nouveau temple christifié
(La Jérusalem
céleste
de la Révélation
de Jean ,
N.D.T.).
Parsifal
doit d'abord expier la faute d'
Amfortas
, lui apporter la purification avec la divinité; L'âme guérit
ainsi dans la catharsis. La divinité veut avoir toute notre âme,
l'ensemble de notre Je qui doit porter en lui les forces élaborées
qui ont été acquises au plan physique. Ce Je, qui se tient
là debout avec tous ses talents, qui a traversé la catharsis,
est appelé à devenir le porteur du Je supérieur. Car
nous devons mourir sans aucun doute; Mais nous mourons pour devenir. Nous
mourons dans le Christ, dans cette retraite de sagesse sacrée du Rhin,
qui était originellement auprès de la divinité, qui
fut donnée à l'humanité dans le Mystère du Golgotha
et qui resurgit en nous, comme Richard Wagner l'exprime, sous la forme du
Graal sacré, dans les forces de rajeunissements de la Rose-Croix.
(Selon les indications données par Rudolf Steiner sur cette confrérie
dans ses nombreuses conférences et qui n'ont rien à voir avec
les sectes actuelles portant éventuellement ce nom. N.D.T.) L'être
humain est le temple que la divinité veut habiter.
Jésus de Nazareth
était un temple de ce genre. Au sein des enveloppes spirituelles de
Jésus de Nazareth, agissaient les forces du Je du Jésus-Zarathoustra,
que celui-ci avait acquises au travers de ses nombreuses incarnations terrestres.
C'est la raison pour laquelle un Je personnel doit s'apprêter à
devenir le porteur de la divinité après avoir travaillé
avec soin au sein de son âme; Car de bas en haut, depuis la terre,
un Je mûri de cette manière doit aller à la rencontre
de la divinité qui descend. Le Je du Jésus de Nazareth s'est
retiré, lorsque le Christ est entré en lui. Le Je personnel
doit mourir à la personne, c'est-à-dire que nous devons remettre
ce qui vit de personnel et d'éphémère en nous. L'homme
doit réacquérir l'enfance de l'âme, pour pouvoir devenir
le porteur d'un Je; Ce qui implique qu'il abandonne ce qui n'est pas de l'enfance,
l'égoïsme. La parole
de Paul: "Non pas Je, mais le Christ en moi." acquiert alors toute
sa vérité.
L'humain véritable, l'humanité vraie et sacrée, ne
se tenait-elle pas devant l'humanité par la teneur de ces paroles
désignant le Christ en croix? "Ecce homo!" Voici l'homme!
Une parole magnifique de Nietzsche, se rapportant à la grande mission
culturelle de Richard Wagner, est la suivante: "Et maintenant demandez-vous
donc sincèrement, vous les descendants vivant actuellement, est-ce
que cela fut écrit pour vous? Avez-vous le courage de montrer de vos
mains ces étoiles sur l'ensemble de la voûte terrestre pleine
de beauté et de bonté en déclarant: C'est notre vie,
que Wagner a transposée sous les étoiles?"
(17)
"Rédemption
au Rédempteur!"
(18)
Rudolf Steiner
Der Europäer
6/7- 1999
Notes:
(1)
Richard
Wagner, Siegfried
, Acte 2/scène 1. Le Voyageur [
Wotan ]:
Qui m'agrée libre accomplit son oeuvre. Vainqueur ou vaincu,
son roi, c'est lui. Tels héros seuls me secondent. (Traduction
d'Antoine Livio, de même que les autres citations en français:
L'oeuvre
lyrique de Richard Wagner
, Le Chemin vert, Paris 1983)
(2)
Accord en FA majeur, d'une manière erronée dans les notes (sans
doute une méprise).
Voir aussi Friedrich Oberkogler,
Richard Wagner - Vom Ring zum Gral (Richard Wagner - De l'Anneau au Graal)
, Stuttgart, 1985, P. 54.
(3)
R. Wagner,
Siegfried
, Acte1/scène 2. Le Voyageur: Plus d'un pense tout bien savoir
qui du danger seul n'est pas instruit. Tout l'utile, s'il s'en informe, c'est
par moi qu'il l'apprend.
(4)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 1.
Gurnemanz
: Par compassion sachant le candide Fol, attends-le, celui que j'ai
élu. Les quatre écuyers: Par compassion sachant
le candide Fol...
(5)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 1.
Gurnemanz
: Dis, maintenant, tu ne sais rien de ce que je te demande: Conte,
alors, ce que tu sais: car enfin tu dois savoir quelque chose.
(6)
R. Wagner,
La Walkyrie,
fin du 3ème acte.
(7)
Wolfram von Eschenbach,
Parsifal
, 16ème livre, 725/29.
(8)
R. Wagner,
Parsifal,
Acte 3. Parsifal
: Oh! quel miraculeux et suprême bonheur! de l'arme qui put
fermer ta blessure je vois découler un sang sacré aspirant
à la source parente qui coule là-bas dans l'onde du Graal!
(9)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 1.
Amfortas:
Du vaisseau sacré, le divin contenu s'embrase avec un éclat
lumineux; enivré par la douleur de la lus céleste jouissance,
je sens se répandre dans mon coeur la source du sang divin.
Et Acte 2:
Parsifal:
Le regard se fixe morne sur le vase d'élection... Le sang
divin s'embrase;
(10)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 2.
(11)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 2.
Parsifal:
Ma mère! Ma mère! J'ai pu l'oublier! Ha! qu'ai-je pu
oublier encore? De quoi me suis-je jamais souvenu? Seule une lourde folie
vit en moi!
Kundry:
L'aveu effacera la faute dans le repentir. Le savoir en raison changera
la folie.
(12)
R. Steiner,
Menschenschicksale und Völkerschicksale (Destinées humaines et
destinées des peuples)
, GA 157,
conférence du 1.9.1914: So lang du den Schmerz erfühlest
/ Der mich meidet / Ist Christus unerkannt / Im Weltenwesen wirkend / Denn
Schwach nur bleibet der Geist / Wenn er allein im eignen Leibe / Des Leidesfühlens
mächtig ist.
(13)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 3.
(14)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 2.
(15)
R. Wagner,
Parsifal
, Acte 3.
(16)
R. Wagner,
Siegfried
, Acte 2/scène 2.
(17)
Friedrich Nietzsche,
Considérations inactuelles
, quatrième partie, "Richard Wagner à Bayreuth".
(18)
R. Wagner,
Parsifal
, fin de l'acte 3.