L'initiation de Rudolf Steiner
Friedwart Husemann
Dédié à mon père,
Gisbert Husemann,
à l'occasion de son 90
èmeanniversaire
Celui qui pouvait décrire
l'initiation moderne jusque dans les moindres détails, comme Rudolf
Steiner, et les formes si multiples des initiations anciennes, devait avoir
traversé lui-même cette initiation. Il nous l'a communiquée
d'une manière justifiée pour notre époque, marquée
par l'ouverture d'esprit et la transparence. Qu'il ne l'ait pas fait sans
déguisement, on le comprend. Il est néanmoins fondé
de nous interroger sur les formes exactes de son initiation, et c'est même
décisif pour nous de savoir quelle image nous nous faisons de l'esprit
de Rudolf Steiner. Dans les chapitres 22 à 26 de son Autobiographie
( Mein Lebensgang
), Rudolf Steiner a décrit un moment d'épreuves de sa vie et
les transformations de son âme, qui se révèlent être
la description de son initiation, si on les compare avec l'initiation typique
telle qu'elle est connue par les écrits anthroposophiques fondamentaux.
Cette comparaison doit être développée en détail
dans ce qui suit.
Le candidat à l'initiation doit d'abord rencontrer le petit gardien du seuil, puis, par la suite le grand gardien du seuil. Le petit gardien est le résultat de la connaissance de soi réalisée par l'élève au plan spirituel. C'est un être indépendant que l'élève perçoit avec les yeux de l'esprit comme lui étant extérieur. Il se révèle divisé en trois. Dans les mythes, nous trouvons diverses indications sur lui. Oedipe, par exemple, fait face au Sphinx. Celui-ci est un être composé des caractères mélangés du taureau, du lion et de l'aigle, qui porte aussi quelques traits humains. Olaf Åsteson, dans le chant norvégien où il raconte son songe, rencontre trois animaux sur le pont du Gjöll: le taureau, le chien et le serpent. Dans le premier chant de Dante de la Divine comédie , le visionnaire rencontre une panthère, une lionne et une louve. Dans le vitrail rouge du Goetheanum, on a aussi représenté ces trois animaux sur les vitraux latéraux.
Dans le langage de la science moderne de l'initiation, ces trois animaux signifient que l'initiation apparaît quand le penser, le ressentir et le vouloir de l'élève en science de l'esprit se séparent les uns des autres. Chacune de ces trois forces de l'âme devient un être autonome, qui doit être désormais maîtrisé par l'élève. Chacun d'eux révèle aussi l'un des trois dangers possibles de l'initiation. Lorsque le penser devient indépendant et imprègne la vie quotidienne, une aspiration de l'élève à la sagesse froide, sans coeur, dogmatique, peut surgir qui ne s'intéresse plus à ses semblables. Que la même chose se produise pour son ressentir , c'est l'exaltation ou le sectarisme qui apparaît. Ou bien, quand le vouloir domine les autres composantes de l'âme, il existe alors un tendance à la tyrannie ou à l'agitation politique. Dans une réelle initiation, ces trois dangers sont identifiés par les images des trois animaux et on les surmonte de ce fait.
Le petit gardien du seuil
est un être autonome; il est aussi caractérisé pour cette
raison comme le double de l'élève en esprit, parce qu'il est
une image reflet de sa nature. C'est une expérience bouleversante
et profondément significative pour l'élève, lorsqu'il
ressent pour la première fois qu'il a lui-même donné
naissance à un être spirituel.
Nous pouvons maintenant passer à ce que Rudolf Steiner écrit
dans
Le penser de Rudolf Steiner au seuil
Lorsque ce changement subit est survenu, Rudolf Steiner passait de sa 35ème à sa 36ème année, et sa Philosophie de la Liberté était déjà parue depuis quelques années. Dans le 3ème chapitre de ce livre, Rudolf Steiner caractérise le penser comme le pivot de sa philosophie. Il précise lui-même qu'il se réclame d'un monisme de la pensée. En plein accord avec cela, il rapporte qu'avant ce revirement, il parvenait à saisir et à s'approprier sans peine de grands enchaînements d'idées scientifiques, qu'on ne pouvait saisir que d'une manière spirituelle, mais qu'il avait les plus grandes difficultés à réaliser la même chose pour les objets de la perception sensibles et les contenus de la mémoire. Par ce brusque changement, tout devint différent. Une attention, qui n'existait pas antérieurement s'éveilla en lui pour ce qui faisait l'objet de la perception sensible. Apprendre à connaître le monde sensible, sans que le penser ait le temps de venir y ajouter quelque chose, fut considéré dès lors par lui comme un idéal. Il lui fut de ce fait possible de concevoir séparément le monde sensible et le monde spirituel indépendamment l'un de l'autre, dans leur pureté respective. Comparée au stade où se produisit le revirement en son âme, l'activité du penser se retirait tandis que l'activité de perception sensible prenait les devants. Exprimé au plan de l'âme, Rudolf Steiner renonçait donc à celle des composantes de son âme qui était cultivée en lui au mieux, à l'activité du penser; il en faisait le sacrifice pour recommencer au tout premier stade de l'activité de perception. La faculté de perception spirituelle, dont Rudolf Steiner disposait depuis son enfance, en fut approfondie et affermie. On peut aussi dire que le penser de Rudolf Steiner, qui avait jusqu'alors fourni le travail pratique de connaissance à lui seul, s'articulait en trois domaines de connaissances parfaitement séparés et consciemment maniés par Rudolf Steiner: la perception de ce qui tombe sous les sens, la pensée et la perception du suprasensible. Un maximum de certitude dans le domaine de la connaissance était atteint de ce fait, parce que chaque domaine se trouvait à disposition pour contrôler les autres.
Le changement subit du penser en percevoir, qui est raconté dans Mein Lebensgang représente donc, exprimé avec les termes de l'initiation, la partie pensée du petit gardien du seuil. S'il existe une préparation correcte aux initiations, du genre de celles communiquées dans le livre Comment acquiert-on les connaissances des mondes supérieurs? dans ce cas particulier, bien sûr, nous ne faisons pas l'expérience de caractères animaux ou fantomatiques.
Le sentiment de Rudolf Steiner au bord de l'abîme entre l'être humain et le monde
Rudolf Steiner s'est aussi éloigné d'une conception du monde conforme au penser au sein de l'activité du sentiment. Il fut dans la nécessité de se dire: l'énigme du monde ne se résout pas par les pensées. Un abandon intense et total, au sein de la vie des sentiments lui autorise à réaliser une expérience de l'énigme dans le monde. Le monde entier situé en dehors de l'être humain est une énigme, l'énigme propre au monde; et l'homme en est lui-même la solution. Dans ce domaine des sentiments, il parvint aussi à un approfondissement de la vie de l'âme en s'adonnant à l'observation sensible objective, pure et sereine: "Dès que je m'abstenais de penser à l'essence du monde sensible et que je me contentais de le contempler au moyen des sens, une énigme devenait réalité, dont l'homme seul détenait la solution." (Ch. 22, traduction Georges Ducommun).
Le "Calendrier de l'âme" de Rudolf Steiner est une oeuvre qui a été créée de bout en bout sur le plan du sentiment. Dans l'introduction, il est expressément dit qu'on avait en vue ici une connaissance de soi au plan de l'activité du sentiment. L'ambiance de la nature vient s'harmoniser avec l'ambiance de l'âme. Cinquante-deux énigmes hebdomadaires différentes sont ressenties par cinquante-deux tonalités au sein de l'âme humaine. Celle-ci peut de cette manière franchir l'abîme qui la sépare de la nature qui existe à l'extérieur. L'abîme entre l'être humain et la nature est justement le seuil, auprès duquel se tient le petit gardien.
La part de sentiment du gardien
du seuil apparaît donc dans
Mein Lebensgang
comme un abandon intense à l'expérience d'une poussée
de l'élément énigmatique du monde dans la vie des sentiments
de Rudolf Steiner. En trouvant la solution de toute énigme de l'univers
en l'être humain, l'activité du sentiment devint pour Rudolf
Steiner le pont jeté au-dessus de l'abîme, une voie d'entrée
dans le monde spirituel.
La volonté assume la connaissance spirituelle
Rudolf Steiner raconte finalement quelque chose qui ne peut être compris qu'à l'aide ce qui a été considéré avant. L'élément idéel de l'existence parcourue jusque là s'effaça et céda le pas à l'élément volontaire qui prit sa place. La volonté se mit à croître dans la mesure où diminuait l'élément idéel. La volonté se chargea de la connaissance spirituelle qui précédemment avait été presque entièrement la préoccupation de l'élément idéel. À cet endroit, Rudolf Steiner n'évoque plus spécialement la perception du monde sensible, comme il l'avait fait nettement comme caractéristique d'un revirement bouleversant au sein de l'âme, à propos de l'activité des sentiments et encore plus nettement au sujet du penser. Car ici, en ce qui concerne le vouloir, la volonté et l'activité des sens au plan spirituel ne font plus qu'un. Il existe beaucoup de déclarations de Rudolf Steiner à propos du fait que nos sens physiques (donc les douze sens), sont de nature volontaire lorsqu'on les contemple à partir du monde spirituel.(1) Pour celui qui peut connaître par l'activité volontaire s'exerçant au travers des sens physiques, la perception physique devient pour lui spirituellement transparente.
Tandis que, dans ce qui relève
de l'activité pensante du petit gardien du seuil, s'est produit une
séparation nette du penser, des activités de perception sensible
et suprasensible, c'est précisément le contraire qui a lieu
pour ce qui relève du vouloir: ce qui tombe sous les sens et la perception
spirituelle coïncident.
Le petit gardien du seuil se tient donc devant nous, dans
Imagination, inspiration, intuition
On doit à présent appliquer les degrés de la connaissance supérieure aux réflexions auxquelles nous sommes parvenus, comme des sortes de contre-épreuves. Rudolf Steiner avait donc fait le sacrifice de la meilleure et de la plus mûre des composantes de son âme, à savoir son penser, en parvenant au seuil du monde spirituel. Ce sacrifice est comparable à d'autres événements ayant lieu lors de l'initiation. On doit en principe accomplir un renoncement analogue lors du passage de l'imagination à l'inspiration. Que l'élève ait atteint "avec beaucoup de peine" la perception supérieure, en tant qu'imagination, et on devrait dire qu'il l'ait atteinte "enfin", il doit alors la réprimer de nouveau pour parvenir au degré suivant de connaissance. Cette comparaison de l'imagination avec le penser s'accorde aussi du fait que la connaissance imaginative représente une activité métamorphosée et spiritualisée de notre penser.(2)
Celui qui pénètre le monde spirituel par l'activité inspirative peut déjà y lire et comprendre ce qui s'y passe, alors qu'au plan imaginatif le monde spirituel est certes présent, mais peut au maximum être épelé. Par la connaissance inspirative, il peut écouter les diverses imaginations, comme autant d'intervalles, pour ainsi dire et, de ce fait, les comprendre. L'énigme dans le monde est celle d'un ton, la résolution de cette énigme en l'homme en est un autre; celui qui entend les deux ensemble, peut connaître par l'inspiration. Cette expérience de l'élément énigmatique, comme on la mentionne dans Mein Lebensgang , est donc, du point de vue des degrés de la connaissance supérieure, la même que l'inspiration. Cette continuité est aussi confirmée par le fait que la perception inspirative est une activité du sentiment métamorphosée.(2)
Dans l'intuition, celui qui connaît en esprit s'unit au monde spirituel. L'intuition est de ce fait la forme la plus élevée et la plus sûre de la connaissance spirituelle. C'est de la volonté métamorphosée.(2) Quand donc Rudolf Steiner en parle dans Mein Lebensgang , en disant que la volonté se charge de la connaissance spirituelle, c'est directement de la forme de connaissance intuitive qu'il s'agit. La coïncidence de la perception tombant sous les sens et de la perception suprasensible, telle qu'on la décrite plus haut au sein de la partie volontaire du petit gardien du seuil, est la même que dans l'intuition, quand il est dit que l'être connaissant se confond immédiatement avec ce qui est connu.
Dans une seconde partie (sur "l'évolution de Rudolf Steiner"), qui paraîtra dans le prochain numéro de Das Goetheanum, on retracera la rencontre de Rudolf Steiner avec le grand gardien du seuil.
Das Goetheanum
Wochenschrift für Anthroposophie
N°34, 16 novembre 1997
(T.D.K.)
Notes:
(1) Rudolf Steiner: Anthropologie générale comme base de la pédagogie(GA 293), 3èmeconférence, ou : La mission des âmes des peuples individuelles en rapport avec la mythologie germano-nordique (GA 121), 5èmeconférence.
(2) Rudolf Steiner: Des énigmes de l'âme (GA21) Ch. IV, 6. "Les dépendances physique et spirituelle de l'entité humaine".
L'évolution de Rudolf Steiner
Friedwart Husemann
Le grand gardien du seuil
Sur l'arrière-plan développé dans la première partie, le sens de la profession de foi de Rudolf Steiner à l'égard du Christ, telle qu'il l'a exprimée à la fin du 26ème chapitre de Mein Lebensgang , devient évident. Si, pour préciser, le récit du grand changement de sa vie au 22ème chapitre, dans son triple mode de manifestation, décrivait le petit gardien du seuil, comme un être humain indépendant de l'organisme, ainsi que l'affermissement de son être au sein du monde spirituel, il s'ensuit qu'il raconte dans le 26ème chapitre, avec des termes particulièrement touchant, sa rencontre avec le grand gardien du seuil. Il ressort du livre La science de l'occulte en esquisse , que le grand gardien du seuil se transforme peu à peu aux yeux de l'élève en science de l'esprit dans la perception de la figure du Christ. Comme toute initiation, celle de Rudolf Steiner mena de la connaissance de soi, perçue comme le petit gardien du seuil, à la connaissance du Christ, perçue comme le grand gardien du seuil. Du point de vue de l'initiation, on doit faire un parallèle entre le fameux passage souvent cité, tiré de Mein Lebensgang , dans lequel Rudolf Steiner décrit sa rencontre avec le Mystère du Golgotha, avec le changement subit qu'il vécut en son âme au moment de la rencontre du petit gardien du seuil. On a alors devant soi une description détaillée de Rudolf Steiner concernant sa propre initiation.
Rudolf Steiner a relaté
dans Mein
Lebensgang
une période d'épreuves qui, selon ses indications, dura de
1897 à 1902. En principe, elle débuta avec la perception du
petit gardien du seuil et elle prit fin avec la connaissance du grand gardien
du seuil. Cette connaissance nouvellement acquise, qui était portée
par la volonté, pouvait pénétrer spirituellement les
sens et lui faire connaître le grand gardien du seuil lors d'une expérience
parmi les plus importantes qui lui fut donnée de vivre. Ce temps d'épreuve
prit fin lorsque ce dernier fut reconnu avec certitude et correctement interprété.
Autrement dit: l'épreuve était surmontée. Le Mystère
du Golgotha se dressa devant les yeux de l'âme de Rudolf Steiner, comme
le monde sensible devant les sens physiques de l'être humain actuel.
Le Christ s'est lié au monde sensible physique de notre terre par
le Mystère du Golgotha, c'est pourquoi il ne pouvait être perçu
que par une spiritualité illuminant les sens terrestres physiques.
Cela fut possible, parce que la volonté de Rudolf Steiner avait assumé
la connaissance spirituelle. Depuis le Mystère du Golgotha, les Mystères
relèvent de l'action de la volonté, on peut tout aussi bien
dire que ce sont des Mystères apocalyptiques.
Contradiction ou évolution ?
Rudolf Steiner a pris plusieurs fois position sur son propre développement. En 1901, il écrivait déjà dans la préface de " La mystique à l'orée de la vie spirituelle des temps modernes... ": «Celui qui n'aborde pas sans idées préconçues le monde de mes idées, découvre en lui contradictions sur contradictions.» Il explique ici la contradiction apparente entre ce livre traitant de la mystique et celui dédié à Haeckel, qui n'était paru que peu de temps auparavant: " Conceptions du monde et de la vie au 19ème siècle " (devenu par la suite: " Les énigmes de la philosophie "). En 1909, il s'exprima ensuite dans l'introduction de la seconde édition de la conférence " Goethe en tant que père d'une esthétique nouvelle ", en affirmant que sa conception du monde ne s'était pas modifiée depuis les années 80 du siècle précédent, au moment de la première édition de cette conférence. Dans l'introduction de l'édition de 1914 du livre " Les énigmes de la philosophie ", il objecta à ceux qui voulaient volontiers voir des contradictions dans sa conception du monde, qu'ils exigeaient à vrai dire de lui qu'il répètât la même chose lorsqu'il s'agissait de considérer ses idées. En 1917, il fit mention de reproches de la part des "pêcheurs de contradictions", en parlant de fanatisme du mot et il évoqua dans ce même contexte les "opposants de sa conception du monde" et leur "système à l'occasion haineux".(3) En 1918, il décrivit d'une manière très détaillée dans la post-face de la seconde édition de " La conception du monde chez Goethe " la construction de contradictions dans sa conception du monde, en donnant un exemple concret (deux manières de s'exprimer sur le platonisme), et en disant qu'il ne se présentait aucune contradiction réelle, mais qu'on ne pouvait parler de contradictions qu'en s'en tenant uniquement aux mots. Dans l'introduction de 1923 au livre " Les énigme sde la philosophie ", Rudolf Steiner revint encore une fois sur ceux qui voulaient trouver des contradictions dans l'évolution de sa conception du monde. Il fit remarquer qu'à la base de ces reproches se «trouvait le plus souvent quelque chose de tout autre que la recherche de la vérité». Il décrivit comment l'on devait être cultivé lorsqu'il s'agissait de faire face au suprasensible. Lorsque l'investigateur de l'esprit pense en idéaliste avec les idéalistes et en matérialiste avec les matérialistes, il puise justement à une force, qui peut se confirmer dans la contemplation spirituelle. Dans les remarques de la secondez édition du livre " Fondements d'une théorie de la connaissance... " Rudolf Steiner donnait de nouveau un exemple détaillé (cette fois-ci à propos du mot mystique) et affirmait qu'on ne pouvait trouver de contradictions imaginaires que lorsqu'on ne tenait pas compte du contexte donné. Pour finir, dans " Mein Lebensgang " (30ème chapitre) il déclarat: «Je n'ai pas progressé au milieu de contradictions, comme beaucoup le croient. Si cela avait été le cas, je l'admettrais volontiers. Seulement ce ne serait pas la vérité en ce qui concerne ma progression spirituelle. J'ai progressé d'une manière telle que pour ce qui vivait en mon âme, j'ai découvert de nouveaux domaines qui sont venus s'adjoindre aux précédents.»
On doit se référer
en détail à la teneur de ces déclarations écrites
par Rudolf Steiner, parce qu'on peut y constater comment Rudolf Steiner désirait
savoir se comprendre lui-même. Cela relève de la validité
générale d'un standard, au sens d'une méthode critique
immanente, dans la science biographique.
C'est qu'il n'est pas difficile de prendre des passages du livre de Steiner
consacré à Nietzsche, qui selon leur teneur s'opposent au christianisme,
ou bien aux fonctionnaires des Églises de cette époque ou bien
encore qui s'expriment sur l'enseignement de l'au-delà, et de les
comparer à sa prise de position ultérieure en faveur du christianisme
pour parler alors de contradictions dans les conceptions de Rudolf Steiner.
Ou bien, si on veut exprimer cela de manière positive, on peut parler
d'un tournant paulinien dans la vie de Rudolf Steiner. Autant que je sache,
Émile Bock fut le premier à avoir comparé le parcours
de Rudolf Steiner à celui de Paul.
Le coeur du problème au sujet de toutes ces idées contradictoires
est déjà décelable dans la "
Celui qui veut comprendre Rudolf Steiner doit pouvoir penser l'idée
d'évolution à la manière des sciences naturelles, et
non pas se contenter de faire des comparaisons philologiques. Il suffit de
penser l'idée d'évolution telle que Rudolf Steiner l'a exposée
au sujet de Haeckel, et de l'appliquer au cheminement propre à l'oeuvre
de Rudolf Steiner.
L'évolution implique toujours qu'à l'étape ultérieure
quelque chose de
Et par quoi cette création nouvelle fut possible, et selon quelle
loi s'est-elle développée? Justement par ce changement subit,
obéissant à la loi de l'initiation, au sein de l'âme
de Rudolf Steiner qui lui permit d'avancer en besogne.
Pour exprimer encore une fois l'ensemble avec les paroles du triple gardien du seuil: Rudolf Steiner trouva d'abord le chemin du penser menant au Christ, puis il alla vers le Christ par le chemin du vouloir. Les deux cheminements se trouvèrent équilibrés par Michaël, à tout moment, au sein de l'activité du sentiment en l'âme.
Notes:
(1)
Rudolf Steiner L'Apocalypse de Jean. Conférence publique d'introduction du 17 juin 1908 (>GA
104).
(2) Rudolf Steiner: Que voulait le Goetheanum
et que doit être l'Anthroposophie? Conférences du 9 avril 1923 et du26 mai 1924 (GA
84).
(3)Rudolf Steiner: La science de l'esprit
en tant qu'Anthroposophie et la théorie contemporaine de la connaissance (1917) dans: Philosophie te Anthroposophie ( GA35).
(4) Émile Bock: Études consacrées à la vie et l'oeuvre de Rudolf Steiner.
Stuttgart 1967, Chap. "Rudolf Steiner et le destin de Nietzsche", p. 131.
(5) Rudolf Steiner: La philosophie de Thomas d'Aquin; conférence du 24 mai 1920 (GA 74).
(6) Rudolf Steiner: L'impulsion du Christ et le développement de la conscience du Je. Conférence du 8 mai 1910 (GA
116).
(7) Voir aussi Friedwart Husemann: Vérité et Amour La philosophie de al Liberté et le Christianisme.
Das Goetheanum N°20, du 27 août 1995. Friedwart Husemann: Esprit libre et surhomme. I. L'engagement de Rudolf Steiner pour Friedrich Nietzsche.
Das Goetheanum N°43, du 26 janivier 1997. II. L'impulsion du Christ dans le livre de Rudolf Steiner consacré à
Nietzche. Das Goetheanum N°44, du 2 février 1995.
(8) Voir la première partie de cet article dans le numéro précédent.
(9) Rudolf Steiner: Directives anthroposophiques N° 105, (GA 26).
Friedwart Husemann est né en 1945 est un médecin installé à Gräfelfing près de Munich. Il collabore au cercle élargi des médecins du Vorstand de la Société Anthroposophique d'Allemagne, et aux conférences du centre de travail de Munich de la Société Anthroposophique
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