L’homme dans l’univers

Rudolf Steiner

Conférence faite le 5 mai 1921 à Dornach [1]

La quatrième époque post-atlantéenne, celle qui a vu naître l’entendement, est fille des mystères grecs. Auparavant, les mystères de l’Asie Mineure et du sud de l’Europe avaient déjà fourni d’ailleurs le terrain pour cette civilisation qui devait cultiver la pensée et le coeur.

Dans les mystères grecs, le lien qui unit la vie humaine avec le Soleil a joué un grand rôle. Vous savez déjà que le « Je » commence à briller dans l’homme dès que se développe en lui la pensée et le coeur, mais qu’il n’atteint toute sa force intérieure qu’avec l’âme de conscience. A l’époque où le « Je » humain s’éveille avec l’apparition de l’entendement, les Mystères expriment tout particulièrement les secrets de la vie solaire dans ses rapports avec le « Je ». Vous savez aussi, je l’ai décrit dans Les Enigmes de la Philosophie, que les Grecs ont pu percevoir encore leurs idées, leurs concepts, comme nous percevons aujourd’hui des couleurs et des sons. Ce qui vivait dans ces idées, c’était pour eux une réalité qui émanaient des choses mêmes, et non pas une création de l’âme. A cet égard, Goethe était vraiment un Grec ; dans l’entretien devenu célèbre qu’il eut avec Schiller, on sait ce qu’il répondit. Pour Schiller, les mots, les représentations ne pouvaient pas être perçus ; mais Goethe lui répond qu’il voit ses idées devant lui, qu’il les perçoit en dehors de lui.

Cette relation avec les idées s’associait chez les Grecs à la sensation très particulière qu’ils avaient lorsqu’ils regardaient le monde extérieur. Tout ce qu’ils voyaient, et dont s’alimentait leur pensée, leur semblait être créé par la vie solaire. Le lever du Soleil ranimait la vie des pensées dans l’espace, et son coucher l’éteignait. L’évolution des peuples est incompréhensible si l’on ne tient compte de ces transformations intérieures.

Voilà qui est inconnu à notre époque ; nous ne ressentons plus la spiritualité de l’univers ambiant. Nous voyons surgir à l’aube le globe solaire, et n’en ressentons qu’une impression d’atmosphère colorée. Il en est de même lorsque le Soleil disparaît au crépuscule. Le Grec avait l’impression que la nuit lui ravissait le monde de ses pensées, et dans ces ténèbres, il se sentait abandonné par les idées. Et lorsqu’il contemplait ce ciel que nous appelons bleu, et pour lequel il avait un adjectif qui signifie obscur, il sentait le monde comme refermé sur la vie des idées. Ces idées, telles que l’homme peut les avoir, cessaient au-delà de l’espace. Et d’autres mondes commençaient alors, où régnaient les idées des dieux. Il les unissait à la conception qu’il se faisait de la lumière. Il en recevait la manifestation concentrée, pour ainsi dire, dans le rayonnement solaire ; la nuit, les pensées divines se retiraient dans les sombres étendues du ciel. Voilà ce qu’il faut comprendre afin de bien saisir ce qui suit. Quand cette manière de regarder les choses eut régné pendant un certain temps, l’homme ressentit bientôt qu’il ne pouvait plus associer la vie solaire de l’espace universel avec la lumière qui brillait spirituellement en lui. Les meilleurs représentants de cette période de transition, ceux qui avaient encore été formés à l’école des Mystères grecs, ressentirent le Mystère du Golgotha comme le salut, en ce sens qu’il donnait à l’homme la notion d’une lumière s’allumant en lui-même . A l’expérience divine de la lumière avait succédé une expérience intérieure, celle de l’âme qui s’unissait au Mystère du Golgotha. On ne peut comprendre le déroulement des siècles si l’on n’observe les faits qu’avec l’intellect. Il faut tenir compte de la métamorphose de toute l’âme humaine, et notre intellect, depuis le XV e siècle où a commencé l’ère de l’âme de conscience, notre intellect n’est que l’ombre de la pensée qui a régné dans toute son ampleur spirituelle pendant l’époque gréco-latine.

Nous devons parvenir toutefois à transformer cet entendement en une conception vivante dans l’univers. Ce sont précisément les ombres de cet intellect, projetées sur la civilisation moderne, qui attachent si étroitement l’homme à la Terre. Aujourd’hui surtout lorsqu’on se laisse entièrement contaminer par la culture scientifique, théorique, on n’a plus d’intérêt que pour ce qui vient de la terre. On ne pressent plus que nous appartenons par tout notre être non seulement à la Terre, mais à l’immense univers. L’essentiel est donc d’acquérir justement la connaissance de ces affinités entre l’homme et l’univers.

Nos idées ont toutes pour point de départ des pensées terrestres aujourd’hui, même lorsqu’il s’agit de comprendre l’univers. Comment le comprend-t-on alors ? On transpose simplement sur une plus grande échelle ce qui est juste pour la terre. À l’aide de la technique moderne, de l’analyse spectrale, et d’autres raisonnements, on se construit par analogie une idée du soleil qui est un pur décalque de notre vie terrestre. On lui applique la notion de corps gazeux et lumineux. Mais pour arriver à se faire du soleil une idée conforme à la vérité, il faut d’autres données. Le physicien croit que le soleil n’est qu’une boule de gaz incandescent ; or, c’est en réalité un être spirituel, une pure nature spirituelle, et non une masse physique lancée à travers l’espace.

Le Grec en avait une sensation très juste lorsqu’il y voyait une force en affinité avec son propre « je », dans la mesure où ce « je » s’épanouit au sein de la pensée. Dans le rayon de soleil, le Grec voyait ce qui allumait son « je ». Il avait le sentiment de la spiritualité du Cosmos. Ce que l’homme sent en lui lorsqu’il se dit : je, à lui-même, ce sentiment, le Grec l’avait aussi bien à l’égard du soleil qu’à l’égard du « je » intérieur.

Le « je » et le soleil sont entre eux comme le dedans et le dehors d’une même chose. Le soleil qui parcourt extérieurement son orbite dans l’espace, c’est le « Je » du monde, et ce qui vit en moi, c’est le « je » humain. On peut encore avoir cette sensation quand on participe par tout son sentiment à l’immense nature. Bien que très atténuée depuis l’époque grecque, il subsiste dans l’être humain une vie qui s’allume avec le soleil au printemps, qui ressent le rayon solaire comme un messager spirituel, qui éprouve un accroissement du « je » quand ce rayon inonde particulièrement la Terre de sa lumière. Mais ce n’est là qu’une sensation ultime et en voie de disparition chez cette humanité qui sombre dans l’abstraction d’un intellectualisme exaspéré. Mais essayons de retrouver du moins, grâce à la science spirituelle, la connaissance des liens entre l’univers et l’homme. Celle-ci nous indique quelle opposition essentielle il existe entre les forces qui nous viennent du soleil et celles que nous envoie la Lune. Le Soleil et la Lune forment sous un certain rapport un contraste absolu ; ce sont deux pôles opposés. Pour la science spirituelle, le Soleil fait rayonner vers nous tout ce qui nous rend capable de posséder un « je », c’est à lui que nous devons la forme humaine, faite à l’image de ce « je ». Tout ce qui agit sur nous du dehors pour déterminer notre forme de l’extérieur, même pendant la vie embryonnaire, c’est un effet du Soleil. Quand l’embryon s’édifie dans le corps de la mère, ce qui se passe n’a rien en commun avec ce que se figure la science quand elle prétend que les forces viennent à l’embryon de l’organisme maternel qui a été fécondé. L’embryon humain ne fait que reposer dans le corps maternel. Sa forme, il la reçoit de l’action des forces solaires, à condition toutefois que celles-ci soient mises en rapport avec les forces lunaires qui exercent une action opposée. Les forces lunaires règnent sur l’organisme intérieur de l’homme, celui des échanges nutritifs. Les forces solaires configurent l’être humain du dehors. Elles pénètrent donc dans l’homme, tandis que les forces lunaires agissent dans l’appareil digestif en rayonnant vers le dehors.

Cela ne contredit pas le fait que ces forces lunaires, par exemple, travaillent à modeler le visage humain ; agissant dans l’appareil digestif, dans l’organisme intérieur, elles exercent depuis là une action sur le modelé du visage ; elles s’unissent pour cela aux forces solaires tandis que quand elles rayonnent de l’intérieur de l’organisme vers le dehors, elles s’y opposent. C’est pourquoi la fonction de reproduction dépend de ces forces lunaires qui forment et modèlent, mais l’organisme reproduit est un don des forces solaires. Ainsi, dans tout son être, l’homme oscille entre les forces de la Lune et celles du Soleil.

Mais il y a plusieurs actions lunaires dans l’homme, celles qui, comme nous venons de le voir, agissent dans le système nutritif, et celles qui n’ont là que leur point de départ. Tout d’abord, les aliments que l’homme prend en lui, lui apportent certaines forces spécifiques qui sont de nature purement terrestre. La digestion est d’abord le résultat de ces forces de la Terre. Mais en elle pénètrent celles de la Lune. Si l’homme n’avait en lui que des fonctions digestives, et si les substances qu’il absorbe régnaient pour ainsi dire sans obstacle dans son organisme, il ne serait plus qu’un chaos. Quelque chose s’y oppose du dedans et renouvelle sans cesse la nature humaine ; ce n’est pas la Terre, mais c’est ce que la Lune a donné à la Terre. Ainsi l’homme reçoit sa forme de l’intérieur par la Lune et de l’extérieur par Soleil. Les rayons solaires emplissent le regard de l’homme et passent de ses yeux à son organisme cérébral, agissant ainsi en venant du dehors.

Sans le Soleil, l’homme ne pourrait pas avoir un « je » sur la Terre, être un « je » vivant et fort. Mais si la Lune n’était pas le satellite de la Terre, le genre humain n’existerait pas, car l’espèce n’aurait pu se propager. Le soleil est ce qui implante fermement l’homme sur Terre dans sa personnalité individuelle séparée. La Lune est ce qui enveloppe les êtres humains dans leur multiplicité et les entraîne par ses charmes dans leur évolution. La suite des générations est due aux forces lunaires, l’individualité humaine est l’enfant des forces du Soleil. Si donc nous voulons étudier aussi bien l’être humain que le genre humain, nous ne pouvons pas nous limiter aux conditions purement terrestres. C’est en vain que les géologues chercheront à concevoir l'être humain d’après la formation de la Terre. Ce n’est pas sur terre que l’homme a été fait. Il a reçu sa forme du Cosmos. Il est un fils des étoiles, et avant tout du Soleil et de la Lune. De la Terre proviennent uniquement les forces qui composent sa substance ; elles existent en dehors de lui et poursuivent leur vie à travers lui, lorsqu’il se les assimile en buvant ou en mangeant ; mais elles rencontrent là l’action des astres qui les reçoit.

Tout ce qui se passe dans l’homme n’est donc pas seulement terrestre, mais engage tout l’univers stellaire. Voilà ce dont il faut se rendre compte.

Evidemment, l’homme est tout d’abord un corps physique, dans lequel pénètrent des substances nutritives poursuivant en lui leur action. Mais sur ce corps vient agir un corps astral, et dans le corps astral prédomine l’action de la Lune. Le Soleil y agit également. Quand des aliments sont absorbés, leurs forces gagnent le corps physique, puis rencontrent celles du corps astral, où agit donc ce double effet du Soleil et de la Lune. Entre le corps astral et le corps physique se trouve le corps éthérique qui, lui non plus ne vient pas de la Terre, mais de l’atmosphère universelle. La nourriture absorbée par l’homme reflète la composition terrestre dans ses états solides, liquides, et gazeux ; elle est ensuit élaborée par lui selon les forces du Soleil et de la Lune, auxquelles se joignent celles de l’espace universel. Ces forces rayonnant de tous les points de l’espace vers l’homme, sont les forces éthériques. Elles aussi s’emparent des aliments, mais leur action est plus uniforme ; elles les transforment, en les douant de vie. Elles y incorporent ce qui va permettre à ces substances de recevoir intérieurement l’action de la lumière et de la chaleur. Ainsi donc, par son corps physique, l’homme est lié à la terre ; par son corps éthérique à l’espace universel ; et il reçoit dans son corps astral l’action de la Lune et du Soleil. Mais ces dernières actions peuvent subir toute une gamme de modifications et il existe une grande différence entre les effets qui s’exercent sur le haut de l’organisme humain ou sur le bas. Appelons provisoirement organisme supérieur celui qui comprend le champ de la petite circulation, qui s’élève au-dessus du coeur, et organisme inférieur tout ce qui est situé en-dessous du coeur. Le premier comprend donc la tête et tout ce qui s’y rattache. Ici agissent principalement les effets solaires. Cette partie s’élabore déjà pendant la période embryonnaire. L’influence solaire est déjà très grande chez l’embryon, mais elle continue lorsque l’être est né et pendant toute la vie. Sur tout ce qui est situé ainsi au-dessus du coeur vient agir également, et notamment au point de vue astral, l’action de Saturne, de Jupiter et de Mars.

Saturne, tout en gravitant autour du Soleil, si on s’exprime dans le sens copernicien, envoie des forces à la terre. Ces forces agissent dans tout le corps astral, mais principalement sur l’organisme supérieur. Quand elles rayonnent dans le corps astral, les forces de Saturne déterminent le genre de rapport qui unira ce corps astral au corps physique. Par exemple, quand l’homme ne dort pas bien, que son corps astral ne veut pas se dégager normalement des corps physique et éthérique, ou qu’il n’y pénètre pas normalement, c’est le résultat d’une influence anormale de Saturne. En principe, Saturne est l’astre qui établit un rapport juste, au moyen de son action sur la tête humaine, entre le corps astral, le corps physique et le corps éthérique. Par là même ces forces de Saturne agissent également sur le lien qui s’établit entre le corps astral et le « je ». Saturne est en effet étroitement uni aux actions solaires, ce qui s’exprime dans l’espace comme dans le temps : on sait que Saturne met trente ans pour accomplir sa révolution autour du Soleil. Ce rapport de Saturne au Soleil se réfléchit par le rapport du « je » avec le corps astral et du corps astral avec tout l’organisme. Saturne est uni à la partie supérieure du corps astral. D’après ce rapport, les hommes des temps anciens orientaient leur vie. Lorsque nous remontons aux 3 e et 4 e millénaires avant Jésus-Christ, nous voyons que dans l’Egypte et dans la Chaldée les maîtres et les sages jugeaient d’un homme d’après le rapport qu’il avait avec Saturne, et qu’indiquait sa date de naissance. Car on savait avec précision que lorsqu’un homme est né sous un ciel ou Saturne occupait telle ou telle position, il pouvait plus ou moins bien se servir de son corps astral. Mais l’avenir de l’humanité exige qu’à notre époque, depuis le XV e siècle, nous nous libérions de ce qui vient agir sur nous. Saturne exerce une influence sur nous comme il l’a exercée dans les temps anciens, mais nous devons nous en libérer. Et savez-vous en quoi cela peut consister, se libérer de l’influence de Saturne ? Eh bien, on s’en libère le moins lorsqu’on succombe à la sécheresse intellectuelle de notre époque, car on laisse ainsi se déchaîner en soi-même l’action saturnienne qui peut faire de nous cet être nerveux si caractéristique pour notre époque. D’où vient cette nervosité chez un homme ? De ce que son corps astral ne pénètre pas normalement toute sa nature physique. Telle est la cause de la nervosité actuelle. Ce qui peut y porter remède, c’est une recherche vivante des forces créatrices de la pensée, de celle que nous appelons l’ « imagination ». La pensée abstraite rend de plus en plus nerveux : elle est alimentée par la force de Saturne qui fuse à travers elle, et entraîne le corps astral, le dégageant ainsi de son support physique qui est le nerf, ce qui dérègle le système nerveux. Il faut comprendre que la nervosité actuelle est un résultat cosmique de l’influence de Saturne.

De même que Saturne est lié à la partie supérieure du corps astral, dans sa totalité, et au lien qui unit ce corps astral au système nerveux, de même Jupiter exerce une action sur la pensée de l’homme.

Cette pensée repose sur une activité partielle du corps astral. C’est une plus petite partie du corps astral qui est engagée dans la pensée, plus petite que celle où s’exerce l’action de Saturne. L’influence de Jupiter s’applique surtout à l’organisation astrale du cerveau.

Voyez-vous, l’action de Saturne s’étend sur toute la vie humaine, y compris les trente premières années, qu’on peut considérer comme une période de croissance. Notre vie entière et notre santé dépendent de ces premières périodes et de la manière dont le corps astral s’y est développé. C’est pourquoi Saturne fait le tour du Soleil en trente ans. Cette périodicité est faite à la mesure de l’homme.

La pensée qui se développe en nous est étroitement liée à nos douze premières années. De même ici, les mouvements du ciel sont en rapport avec le développement humain (la révolution de Jupiter est de 12 ans). De même que Jupiter est en rapport avec la pensée, Mars l’est avec le langage :

Saturne : partie supérieure du corps astral tout entier.

Jupiter : activité de la pensée.

Mars : langage.

Mars, pour ainsi dire, soulève une certaine partie du corps astral, plus petite encore que celle qui est intéressée par la pensée. Et ce qui subit cette action de Mars sert à déployer les forces qui s’écoulent dans la parole. Cette action de Mars dépend également de la courte durée de sa révolution [2] . Cette révolution est ascendante et descendante. Or, c’est pendant un temps qui équivaut à la première partie que l’homme apprend les premiers sons du langage. Ainsi, les progrès de l’être humain, qui sont surtout liés à l’organisme cérébral, sont en affinité avec les corps célestes de Saturne, de Jupiter et de Mars, les planètes extérieures. Alors que le Soleil est surtout uni au « je », ces trois planètes agissent sur le corps astral, la parole, la pensée et le comportement d’ensemble de l’âme au sein de l’organisme. Les planètes qui sont comprises entre le Soleil et la Terre, les planètes intérieures, ont d’autres rapports avec l’homme.

Mercure agit comme la Lune, non pas du dehors, mais du dedans même de l’homme ; il n’agit du dehors qu’à l’égard du visage, mais son action s’exerce surtout sur l’organisme inférieur, situé au-dessous de la ligne du coeur. Il règne dans cet organisme, et de là rayonne son action. Celle-ci règle l’activité du corps astral dans les fonctions de la respiration et de la circulation. Il assure la transmission entre le corps astral et les phénomènes rythmiques, entre tout ce qui relie cette activité rythmique de l’homme à la vie astrale. Ainsi les forces de Mercure agissent sur les échanges nutritifs de l’homme comme les forces de la Lune, mais dans la mesure où ces échanges sont soumis au rythme.

Quant à Vénus, elle agit surtout au sein du corps éthérique, elle est ce qui vient du Cosmos agir sur le corps éthérique et son activité.

Nous avons déjà parlé de la Lune, qui constitue dans l’homme un pôle opposé aux forces du Soleil. C’est elle qui, par une action intérieure, fait entrer la substance dans le monde du vivant. Elle doit être mise en rapport avec la fonction de reproduction. C’est elle qui stimule cette fonction, aussi bien dans sa forme interne que dans toutes les formes reproductrices qu’elle peut revêtir.

Saturne : partie supérieur du corps astral tout entier.

Jupiter : activité de la pensée.

Mars : langage.

Soleil : Moi.

Mercure : transmission de l’astral à l’activité rythmique de l’homme.

Vénus : activité du corps éthérique.

Lune : stimulant de la reproduction.

Songez maintenant que tout ce qui se passe en nous a sa correspondance dans l’univers environnant. D’un côté l’homme est relié aux forces terrestres par son corps physique, de l’autre, il se rattache à tout l’espace universel par son corps éthérique. En outre, des différenciations s’introduisent en lui par l’action de Saturne, Jupiter, Mars, Mercure, Vénus et la Lune. Le Soleil agit en lui par le « je ». L’homme étant ainsi en correspondance avec l’univers, il ne peut pas être indifférent que le rayon de Jupiter, par exemple, frappe directement le lieu où nous nous trouvons, ou bien que Jupiter soit placé de l’autre côté de la Terre, et caché par elle. Dans un cas, il agit directement sur l’homme, dans l’autre, la Terre est interposée. C’est une différence capitale. Jupiter, nous l’avons vu, est en rapport avec la faculté de penser. Et l’on peut se représenter que là où l’organe physique de la pensée se développe le mieux, on peut ressentir à partir de la naissance l’action de Jupiter qui s’exerce. Cette influence jupitérienne directe configure le cerveau pour en faire un bon instrument de la pensée, le prédisposer à la pensée. Mais si, pendant les années de configuration du cerveau, il se trouve, pour un être humain, que Jupiter soit justement de l’autre côté de la Terre, celle-ci formant un écran, il sera moins doué à l’égard de la pensée.

Supposons que l’acquit de ses précédentes incarnations prédispose un homme à avoir une pensée particulièrement forte. Au moment de descendre s’incarner sur la Terre, il choisira le temps où Jupiter dirige ses rayons vers le point où il va s’incarner. Par contre, il peut se faire que chez un autre la pensée soit obscurcie, si par exemple les forces de la Lune qui nous pénètrent à travers toutes les forces et les substances terrestres qui entrent en nous, si ces forces agissent avec prépondérance ; l’homme devient alors rêveur, nébuleux, sa pensée n’est pas claire. Entre ces deux extrêmes se trouvent tous les degrés possibles.

Ainsi la disposition des astres témoignent des conditions des vies terrestres précédentes, qui agissent pour déterminer l’incarnation actuelle.

Mais tout en étant ainsi fixé, l’homme doit apprendre, à l’ère de l’âme de conscience, à s’en libérer toujours davantage. Seulement il faut savoir comment s’en libérer, correctement, en agissant par exemple comme nous le disions à l’égard de Saturne ; remplacer une vie sèche, abstraite, intellectuelle, par une vie qui s’ouvre à la fantaisie créatrice, à la vision imaginative, à l’intuition. Les exercices décrits dans l’ « Initiation » libèrent justement de la contrainte des forces cosmiques ; ces forces agissent dans l’homme, mais c’est de la contrainte du passé qu’il peut se libérer. Les exercices décrit dans « l’Initiation » [3] le libèrent en lui donnant la connaissance de ces astres. Voyez-vous, notre civilisation doit reconquérir la connaissance des affinités qui existent entre l’être humain et le grand univers. La vie que nous sentons battre en nous doit nous inspirer ce sentiment : des forces agissent dans mon organisme, qui ne sont pas seulement celles que l’hérédité m’a transmises. Il n’y aurait par exemple pas de coeur dans notre organisme si le Soleil n’agissait à travers la tête pour former cet organe. Il n’existerait pas de foie si Jupiter ne nous en dotait, etc. Chaque organe a une origine extra-terrestre. D’après les forces de Saturne, le lien qui unit notre astralité à notre corps physique nous donnera une bonne ou une mauvaise santé. Dans le cerveau s’expriment les forces de Jupiter. Nous apprenons à parler grâce aux forces de Mars. Ce sont des choses que l’humanité actuelle doit comprendre. Elle doit bien savoir qu’une science qui se limite au terrestre n’expliquera jamais à l’homme ce qu’il est. Une science spirituelle fera non seulement comprendre le lien de l’homme et de l’univers, mais son lien avec la Terre. Car tout ce qui vit autour de l’homme n’est pas du tout purement terrestre. Qu’y a-t-il de purement terrestre ? Le minéral ; mais le minéral est le siège de métamorphoses qui sont produites par les forces cosmiques. C’est ainsi que les métaux, dans la mesure où ils cristallisent, prennent des formes soumises à l’action du Cosmos. Ils ont reçu ces configurations lorsque la Terre n’avait pas encore développé ses forces avec intensité et que les activités cosmiques la traversaient. C’est pourquoi il y a dans les métaux des forces thérapeutiques, en raison des influences extra-terrestres qu’ils possèdent, bien qu’ils se soient naturellement formés sur la terre.

En remontant jusqu’à l’époque de l’Inde antique, la première civilisation post-atlantéenne, on trouve un lien bien plus étroit entre l’homme et l’univers ; l’homme se sent le fils de l’univers. Et bien qu’il n’ait pas encore ces forces dont les modernes sont si fiers, on peut dire que c’est alors un homme au plein sens du mot. Mais il se détourne de plus en plus du Cosmos. Au temps de la Chaldée, et aux premiers temps de la Grèce, il en est à une étape intermédiaire. Il est alors une sorte d’amphibien qui s’épanouit sous les rayons du Soleil lorsque se dissipe la brume terrestre où il languissait. L’homme aujourd’hui n’est plus un amphibien ; il croit ne plus dépendre que des forces terrestres, comme une taupe, et même pas seulement comme une taupe, mais comme un ver de terre. Que perçoit le ver de terre ? L’eau qui s’est un peu élevée dans l’atmosphère et retombe sur lui en pluie ; voilà tout ce que l’homme reçoit actuellement des forces supra-terrestres. Son matérialisme lui a donné aujourd’hui le point de vue du ver de terre ! Il faut qu’il en sorte !

Mais comment ? En s’ouvrant à la connaissance de tout ce qui le relie au Cosmos supra-terrestre. Il s’agit que, dans les temps où nous vivons nous quittions la voie du ver de terre où s’est engagée notre civilisation, et que nous nous redressions vers un nouveau spiritualisme.


Notes

[Note 1] Première traduction dans la revue « La Science Spirituelle » N°7/8 de Mai/Juin 1935. Elle a été publiée revue et corrigée en 2004 aux Editions Anthroposophiques Romandes dans l’ouvrage : Perspectives du développement de l’humanité. – GA 204. La traduction ci-présente a subi également quelques corrections mineures. Les 16 autres conférences du GA avait été publiées sous forme de brochure : La formation spirituelle de l’Europe (trad. par Violette Rivierez.

[Note 2] L’année martienne vaut environ 668 jours terrestres, soit environ un an et dix mois.

[Note 3] Rudolf Steiner, « L’initiation ou Comment parvient-on à la connaissance des mondes supérieurs », Ed. Triades notamment.


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