L'anthroposophie est-elle une science ?

Beaucoup d'encre a déjà coulé dans le mouvement anthroposophique pour tenter de donner raison à Steiner envers et contre tout et souvent en noyant le poisson dans une logorrhée aussi abstruse qu'indigeste. C'est notamment le cas à propos de la scientificité de l'anthroposophie. L'enjeu est d'importance pour le crédit que l'on peut lui accorder tout autant et qu'à la soi-disant clairvoyance de Steiner. On peut retourner la chose comme on veut, il est clair que selon les critères actuels de définition d'une science, l'anthroposophie n'en est certainement pas une et elle n'est donc pas non plus une science de l'esprit. En réalité, Steiner, qui était habile et qui voulait toujours avoir raison, a contourné le problème en redéfinissant la notion de science pour qu'elle soit en accord avec la manière dont il prétendait obtenir les données qu'il incorporait à son corpus doctrinal. On est jamais si bien servi que par soi-même finalement ! Et si on n'était pas encore convaincu de la non scientificité de l'anthroposophie, il suffit de considérer les nombreuses erreurs qui résultent de la manière d'opérer de Steiner.
Voici un extrait de la préface de 1909 de l'Initiation écrite par Steiner (GA 10, EAR, p.8) :

« Il peut très bien se faire, par exemple, que quelqu'un trouve que telle ou telle affirmation ne s'accorde pas avec certains résultats scientifiques du présent. En réalité il n'existe aucun résultat scientifique qui contredise l'investigation spirituelle. Tant que l'on ne consulte pas de toutes parts et sans parti pris les résultats des sciences, on peut aisément croire que tel ou tel jugement scientifique est en contradiction avec les communications concernant les mondes supérieurs. Plus on aura comparé avec une impartialité totale la science spirituelle aux résultats positifs des sciences, plus on trouvera que la concordance est parfaite. »

En voici d'autres :

« . les résultats de l'investigation spirituelle ne seront jamais en contradiction avec les résultats de la recherche scientifique. Chaque fois que nous observons sans parti pris les rapports qui existent entre les deux sciences, il apparaît aujourd'hui que la science objective chemine vers un but qui, dans un avenir pas très lointain, sera en parfaite harmonie avec certaines données que l'investigation spirituelle tire des sources suprasensibles ».
[Chronique de l'Akasha, Préjugés pseudoscientifiques, p.231]

« Vous verrez d'ailleurs par l'expérience, que l'approche à partir des sciences d'aujourd'hui des données offertes par la science spirituelle, peut accumuler les contradictions et que finalement on ne s'y retrouve plus. Et pour peu qu'on soit prompt à juger, on ne peut conclure en effet, qu'à l'absurdité de la science spirituelle, son incompatibilité avec les résultats de la science extérieure. - Mais en ayant le temps et la patience de s'intéresser à la chose, on finit par voir qu'il ne peut y avoir la moindre contradiction, entre ce qui procède de la science spirituelle et des données que peut fournir la science extérieure. »
[Physiologie occulte - GA 128 - p. 80]

« L'investigateur spirituel peut très bien comprendre ces objections. Il devrait même être pleinement conscient du fait que toute investigation spirituelle qui entre en conflit avec des pensées tout à fait justifiées du mode de connaissance des sciences naturelles, ne peut pas reposer sur un fondement sûr. Tout investigateur spirituel ayant un sens et une compréhension pour le sérieux de la démarche des sciences naturelles et sachant apprécier leurs performances au profit de la vie humaine ne se rangera pas parmi ceux, qui du point de vue de leur « vision spirituelle », condamnent à la légère l'étroitesse d'esprit des scientifiques et placent d'autant plus haut leur propre opinion selon laquelle, pour eux, la connaissance de la nature se perd dans des profondeurs insondables.     La science de la nature et la science de l'esprit pourrait coexister harmonieusement si du côté de la première pouvait être détruite l'idée fausse disant que la vraie investigation spirituelle implique nécessairement le rejet de connaissances justifiées de la réalité suprasensible et de la vie de l'âme qui découle de cette réalité. Cette hérésie est la source d'innombrables malentendus qui sont opposés à l'investigation spirituelle. Du côté de ceux qui croient que leur conception de la vie est solidement ancrée sur « le sol des sciences naturelles », on pense que par ses points de vue l'investigateur spirituel est contraint de rejeter leurs connaissances. En réalité ce rejet n'existe absolument pas. La véritable investigation spirituelle est pleinement d'accord avec les sciences naturelles. L'investigation spirituelle n'est donc nullement combattue pour ce qu'elle affirme, mais pour ce dont on croit qu'elle pourrait ou devrait affirmer. »
[La démarche de l'investigation spirituelle (5 textes rédigés entre 1914 et 1918) in GA 35, EAR 1997, p.131-133. (Philosophie und Anthroposophie Gesammelte Aufsätze 1904-1923, GA 35)]

Ainsi pour Steiner la « science spirituelle » n'entre pas en contradiction avec les résultats scientifiques. Il n'y aurait aucun désaccord. Les scientifiques croient qu'il y en a, mais ils sont dans l'illusion. Par ailleurs, Steiner prétend ne pas rejeter les résultats des sciences naturelles, ce qui est faux dans nombre de cas. Comme on peut le montrer, dans l'anthroposophie, les erreurs scientifiques se comptent par centaines (voir les autres articles). Elles sont souvent évidentes, mais Steiner et, à sa suite, les anthroposophes refusent généralement de les reconnaître. Steiner ne reconnaissait d'ailleurs pratiquement jamais ses erreurs. Les erreurs c'était toujours les autres. Il préférait les nier, tout comme il niait effrontément ses multiples contradictions.
Cela fait un peu moins d'une centaine d'années que Steiner a cessé d'enseigner, et manifestement la science a poursuivi sur sa lancée, avec les mêmes méthodes, et au fur et à mesure de ses progrès, les preuves que les déclarations scientifiques de Steiner étaient erronées n'ont fait que s'accumuler. Si bien, qu'il faut en conclure, pour le moins, que la façon d'investiguer et d'acquérir des connaissances qu'utilisait Steiner n'est pas fiable.
En fait, Steiner affirmait qu'une chose était vraie ou fausse si elle trouvait sa place dans sa conception du monde. La réalité des faits étaient secondaires. Ses critères de vérité étaient purement subjectifs.

« Cependant une autre partie des communications de la science spirituelle échappera plus ou moins au jugement purement rationnel. Celui qui comprend que ce n'est pas la raison seule qui peut être juge en matière de vérité mais aussi le sentiment sain, trouvera facilement un rapport juste également avec cette partie. »
[L'initiation, Préface de la troisième édition de 1909, p. 8]

« On en arrivera ainsi à la conviction que l'essentiel ne repose pas dans une seule vérité, mais dans la concordance de toutes. »
[L'initiation, Préface de la troisième édition de 1909, p. 11]

Ainsi, Steiner décide qu'une chose est vraie si elle trouve sa place dans son système, et si elle s'accorde avec les prétendues vérités qui s'y trouvent déjà. De plus, Steiner prétend que pour certaines communications de la science spirituelle, un jugement sain suffit pour les considérer comme vraie. Encore faut-il que le jugement soit sain! Au vu des déclarations à caractère scientifique de Steiner, on peut légitimement se poser des questions sur la sanité de son jugement en ces matières.


Jean-François Theys, le 13-02-2017


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