Une étude critique de l'oeuvre de Sergei Prokofieff
The Wellspring Bookshop -
Sergei Prokofieff: Myth and Reality par Irina Gordienko

http://www3.mistral.co.uk/wellspringbooks/sergeip.htm

Lochmann Verlag, Basel

Traduction anglaise de Graham Rickett

Prix: 14 livres anglaises.

C'est une publication nouvelle en anglais qui examine de manière critique l'oeuvre de S. O. Prokofieff, traduite de la publication allemande, elle-même traduite du russe. L'auteur est une scientifique et mathématicienne reconnue, avec des publications scientifiques à son actif. Prenant Prokofieff en considération, elle s'est donnée la lourde tache d'étudier l'écart existant entre l'interprétation de celui-ci du corpus de l'oeuvre de Rudolf Steiner et ce que Steiner lui-même a clairement établi sur le monde suprasensible; Gordienko donne les grandes lignes d'une évaluation progressive des écrits de Prokofieff, leurs défauts, et la manière dont les analyses de ce dernier esquissent une image défectueuse de l'Anthroposophie. Elle rend manifeste la contradiction entre cette image-là et la vision de Steiner sur le monde spirituel et ses êtres, le concept fondamental d'évolution chez ce dernier et même de sa christologie. Celle-ci est en effet présentée sous un éclairage entièrement nouveau par Prokofieff. Ce dernier insiste plus sur le retour à une spiritualité de groupe, vers une moralité dictée d'en haut, plutôt que sur un penser autonome basé sur l'importance centrale du développement du "Je", dont Rudolf Steiner n'a eu de cesse de rendre fondamentale sur la totalité de son enseignement et à laquelle il s'est fréquemment référé comme étant "l'impulsion du Christ". C'est une étude percutante, soigneusement raisonnée et d'une lecture tranchante comme un rasoir de la pensée de Prokofieff - peut-être pas un livre pour les coeurs sensibles. Pourtant sa puissante logique est un matériau d'étude nécessaire, tout particulièrement pour l'Anthroposophie, parce qu'elle a des conséquences pour la direction de la Société Anthroposophique dans son ensemble, maintenant que Sergei Prokofieff a été accueilli à sa tête comme membre de son comité directeur [coopté par Manfred Schmidt Brabant peut avant son départ pour le monde spirituel, ndt]. De crainte que cet ouvrage soit considéré comme une attaque personnelle injuste, laissez-nous conclure par une affirmation de l'auteur elle-même: "...des erreurs sur le chemin du développement occulte, provenant d'une connaissance insuffisante ou incorrecte, peuvent avoir des conséquences les plus lointaines pour la destinée, non seulement pour ce qui est de la santé psychique de l'être humain dans son incarnation présente, mais pour la totalité de sa destinée future." (Gordienko, pp. 12-13)

Plus loin elle indique que: "Toute tentative d'examen critique d'assertions écrites est condamnée en vertu d'un faux principe éthique: la tolérance à l'égard d'une personne est confondue avec la tolérance à l'égard de ses fautes. L'idéal de l'amour fraternel en vient alors à signifier un peu plus que le maintien de "relations diplomatiques" avec son voisin, tandis qu'on reste indifférent à sa destinée spirituelle." (Gordienko, pp. 13-14)

Il faut faire la distinction entre l'élément personnel et la recherche objective de la vérité. Comme Steiner s'est bien fait comprendre: "un résultat erroné dans l'investigation du monde spirituel est une réalité vivante; celle-ci est là, et on doit se coltiner avec elle et la démolir." (p.125 de la traduction anglaise, 22/10/1915, GA 254 )

Irina Turievna Gordienko

Irina Turievna Gordienko est née à Moscou en 1964, elle a étudié la biologie, la mécanique et les mathématiques à l'Université d'État De Moscou. Après avoir terminé brillamment ses études, elle a publié une série d'articles sur la théorie des ensembles et la typologie générale dans des revues scientifiques spécialisées à la fois en Russie et à l'étranger. Sa connaissance considérable de l'Anthroposophie, alliée à sa formation académique, l'a amenée à entreprendre cette étude de l'oeuvre de Prokofieff, qui l'a menée à des résultats surprenants. Elle est tragiquement décédée dans un accident de la circulation en 1999.

Une pierre de touche:

La recension du livre de Irina Gordienko: le Fondement des nouveaux Mystères par Serge O. Prokofieff , Moscou, Bâles, Verlag

Le livre d'Irina Gordienko, paru depuis plus d'un an déjà, est pratiquement passé inaperçu et non recensé, quoiqu'il soit à peine exagéré de dire que son contenu à une force explosive à des degrés multiples (ou bien justement pour cette raison). La méthode de travail d'un membre bien connu du comité directeur de Dornach y est si fondamentalement remise en cause que l'on peut considérer comme un devoir d'étudier ce livre très attentivement, même si on ne veut pas suivre les résonances polémiques contenues dans l'ouvrage. Il n'est pas possible d'entrer ici dans les détails de l'abondance des problèmes que Gordienko pense avoir soulevés dans l'oeuvre de Prokofieff.

Elle a étudié très soigneusement l'oeuvre de Prokofieff. Le lecteur non prévenu qui, d'une manière quelconque, ne doit pas se sentir obligé, tant à l'égard de Prokofieff que de Gordienko, qui n'adhère à aucune obédience, peut reconnaître, que dans la manière sont Gordienko adresse son questionnement sur l'oeuvre de Prokofieff, il y a quelque chose de nécessaire. Il s'agit entre autres de la question de savoir ce qu'est véritablement une méthode de connaissance anthroposophique. La méthode de Prokofieff, telle qu'elle est décrite par Gordienko, est plus que douteuse par elle-même. Après la lecture du livre de Gordienko on peut avoir l'impression que l'Anthroposophie se trouve à un carrefour, à présent aussi pour ce qui est de ses fondements de cognition et des voies de communications des résultats de l'investigation occulte. Déjà dans le premier livre de Prokofieff: "Rudolf Steiner et le fondement des Nouveaux Mystères" (Stuttgart 1982), qui avait été recensé d'une manière critique dès 1983 par Hellmut Finsterlin dans la revue "Erde und Kosmos", se trouvait une indication significative sur ce problème, même pour le lecteur pas particulièrement attentif. Dans le contexte de la description des septennats de la vie au sein de l'évolution de l'individualité humaine et de leurs impulsions afférentes, Prokofieff cite Rudolf Steiner. Celui-ci dit ce qui suit sur lui-même, dans une citation rapportée par Prokofieff à la page 21 de son livre: "J'avais à présent atteint la quarantième année de ma vie, avant l'entrée de laquelle, au sens des maîtres, personne ne doit apparaître publiquement comme un enseignant de l'occultisme. (Partout où quelqu'un enseigne avant, il se trouve une erreur)." ( GA 262 , p.13)

Si on lit le livre en question de Prokofieff, on constate bien alors qu'il contient une abondance de descriptions occultes de son auteur âgé alors de 27 ou 28 ans, dont fréquemment il ne cite pas les sources, si bien que l'on devait, déjà à cette époque, avoir nécessairement l'impression que Prokofieff, ou bien avait pris ses connaissances - qui se trouvent absolument en partie en opposition aux déclarations de Steiner - à des sources inconnues, ou bien qu'il s'est mis lui-même en infraction à l'égard de la loi qu'il mentionne. S'agit-il par exemple d'une investigation de ce genre, lors de la description des actions des entités spirituelles sur la personnalité de Rudolf Steiner, sur les manières d'agir afférentes à propos desquelles celui-ci ne s'est pas lui-même exprimé formellement?

Serge Prokofieff, tant sur la recension de Finsterlin que sur le livre de Gordienko, ne s'est jamais exprimé par écrit à ma connaissance. Par conséquent, les questions restent largement en suspens, que ça plaise ou non - une situation hautement précaire, en particulier eu égard de la nomination de Prokofieff dans le comité directeur de Dornach (approuvée lors de l'AG de la Société Anthroposophique à Pâques 2001).

Une confrontation avec ce livre de Irina Gordienko, tragiquement disparue peu de temps après sa parution, aborde encore des implications plus profondes, que le lecteur du livre peut lui-même en retirer. Que le livre ait paru dans une maison d'édition, avec les publications de laquelle on peut ne pas être toujours d'accord, pourra peut-être lui porter préjudice. La confrontation ou la non-confrontation avec le CONTENU de ce livre sera d'une importance encore insoupçonnée pour l'Anthroposophie. Mon bilan pessimiste c'est que la confrontation en question n'aura pas lieu.

Arfs Wagner


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